Jón Atli Jonassón, Les Enfants de Dimmuvík, traduit de
l’islandais par Catherine Eyjólfsson, parution originale en 2013, édité en
France par Noir sur Blanc.
Une vieille dame se souvient de
son enfance dans une toute petite ferme située dans une crique isolée d’Islande,
en 1930. Les parents, un frère, une sœur fragile, un bébé mort-né, des brebis
et la faim.
Après nous être tous lavés, sauf papa, nous mangeâmes du poisson qui avait juste commencé à pourrir, avec un morceau de beurre moisi. Il était couvert de taches jaunes et brunes que nous feignîmes de ne pas voir. Tout comme les aurores boréales qui ondoyaient au ciel dans le gel craquant de ce soir-là.
Ce tout petit roman évoque de
façon bouleversante la terrible pauvreté de cette famille, réduite à manger du
lait, du lichen, du poisson et des aliments moisis et à survivre à partir
d’artifices terribles, enfouis dans les tréfonds de la mémoire. Tous les
enfants souffrent de carences alimentaires et de vertiges. Ce sont les
souvenirs d’une petite fille, racontés par une vieille dame. Cette enfant vit
dans solitude glaçante. On comprend qu’il lui est impossible de raconter et
d’être comprise.
Un livre à ne pas lire trop vite
en dépit de sa brièveté, car les mots sont choisis. Comme les aliments, leur
rareté fait leur force.
Et puis papa a le visage
tellement figé ; il est lui-même tellement engourdi que c’est comme si ses
pleurs appartenaient à quelque chose d’autre. Pas à lui. Comme s’ils
jaillissaient de lui sous l’effet de quelqu’un d’autre. Comme s’il était une
trompette ou une flûte. Que ses cordes vocales produisaient ce son qui sort de
lui à son corps défendant. Comme un hoquet.
J. Lievens, Job, 1631, Ottawa, M&M. |
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