Kjell Westö, Nos souvenirs sont des fragments de rêves, traduit du suédois par
Jean-Baptiste Coursaud, parution originale 2017, édité en France par Autrement.
Un roman qui se déroule parmi la
communauté suédophone d’Helsinki. Après un début in medias res compliqué et inquiétant (les romanciers
contemporains, arrêtez ça, merci), le narrateur, rendu à la moitié bien avancée
de sa vie, se met en devoir de nous raconter, non pas tant sa vie, que son
amitié avec la famille Radell. Le narrateur est issu d’une famille modeste, les
Radell sont riches et puissants. Il y a Alex, le garçon, et surtout Stella, le
grand amour du narrateur. Ils traverseront une vie entière.
Il n’empêche, j’ai salopé mon récit. Je n’ai pas osé raconter, même d’une manière déformée et indirecte, comment Alex a consumé Klasu. Je n’ai pas osé raconter la carrière de vendeur mutilée en dents de scie de mon père, la vie sentimentale figée de ma mère et son obsession pour le passé. Je n’ai pas osé raconter mes atermoiements entre Stella Rabell et Linda Vogt, ni mon existence d’homme de plus en plus seul et mon cœur de plus en plus fermé à double tour.
Admettons-le : je n’aurais
jamais lu ce roman s’il n’avait été situé en Finlande, pays sympathique à mon cœur. Les histoires sentimentales et les angoisses existentielles des contemporains ne m’intéressent guère. Dans le
cas présent, l’existence du narrateur ne me semble pas d’un intérêt majeur. Et
pourtant, ce gros roman a réussi à m’accrocher et je l’ai lu avec beaucoup de
plaisir. Alors ? La réussite provient peut-être de la longueur
justement : Westö prend le temps de nous faire fréquenter tout un groupe
d’amis, pendant des années, avec leurs évolutions, leurs atermoiements, leurs
disputes… Le narrateur prend peu à peu conscience du temps qui passe, de
l’importance des souvenirs (même s’ils sont illusoires ou faux). Sa propre
existence a peu d’importance (il n’a d’ailleurs pas de nom), mais il constitue
le lien entre cette famille qui se déchire, qui vit des drames et qui les
surmonte. Le roman abonde en détails concrets qui rendent les personnages très
présents et qui les ancrent dans leur génération : leurs goûts musicaux,
leur façon de parler le suédois ou le finnois, leurs vêtements, leurs boissons,
leur réaction face à la politique internationale. L’ensemble produit un
sentiment de réalité et le lecteur a l’impression de connaître ces gens. C’est
au final un beau portrait de société.
Helsinki, le monument à Sybellius. |
Mention spéciale pour le jaune
souffre du ciel d’été finlandais.
J’ai néanmoins préféré Un mirage finlandais où la tension
dramatique est plus forte et qui est plus ancré dans l’histoire spécifiquement
finlandaise.
Nous étions passés par tous les
stades de la relation : l’infidélité, la dispute, la rupture – et
pourtant, nos corps hébergeaient la même confiance mutuelle. Nous nous moquions
souvent de notre façon de faire l’amour, ironisant sur nos fétiches et nos
idiosyncrasies, ce qui ne nous interdisait nullement de recommencer car nous
savions que nous prenions tant de plaisir ensemble. Or tout cela avait disparu
désormais. Les draps dans lesquels nous dormions conservaient l’odeur de
sécrétions séchées, de solitude et de désespoir. Et nous grelottions.
La Finlande sur ce blog : Suomi
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