Marguerite Yourcenar, Anna, soror, 1935.
Nous sommes à Naples, en 1575,
alors dominé par l’Espagne. Le gouverneur a une femme douce et silencieuse et
deux enfants, une sœur et un frère, bientôt livrés à eux-mêmes. C’est l’amour
vécu par ces deux-là qui nous est raconté dans un roman court et sobre, où les
personnages se dessinent comme des statues.
Ils communièrent. Les lèvres d’Anna se tendirent pour recevoir l’hostie ; Miguel songea que ce mouvement leur donnait la forme du baiser, puis repoussa cette idée comme sacrilège.
J’ai d’abord aimé cette évocation
du Naples ancien (oui, j’ai envie d’y retourner), avec son petit peuple, ses
riches églises, sa campagne en proie aux fièvres. Les portraits du frère et de
la sœur sont étonnants : peu de psychologie intérieure et pourtant leur
âme nous semble disséquée. Ils agissent devant nous avec précision, silhouettes
déterminées et bien découpées. Le lecteur reste à l’extérieur pourtant de leurs
émotions.
C’est une belle langue un peu
froide, maîtrisée, sans hasard de l’écriture, et pourtant pleine de passion. Je suis frappée par le rythme
très harmonieux des phrases.
Luca Giordano, Le Martyre de Saint André, vers 1650, Ottawa BA |
Certains jours, passant outre aux
interdictions de Donna Valentine, Miguel se levait à l’aube, sellait lui-même
son cheval, et se lançait à l’aventure très loin dans les terres basses. Le sol
s’étendait noir et nu ; des buffles immobiles, couchés par masses sombres,
semblaient dans l’éloignement des blocs de rochers dévalés des montagnes ;
des monticules volcaniques bossuaient la lande ; le grand vent passait
toujours.
Naples! moi aussi j'ai envie d'y retourner!
RépondreSupprimerQui n'aurait pas envie ? Je n'y suis allée qu'une seule fois et c'était il y a des années.
SupprimerC'est précisément cette apparente contradiction entre l'extrême maîtrise de la langue et la passion qui s'en dégage qui fait toute la beauté et le génie de Yourcenar, je trouve <3
RépondreSupprimerTout à fait !
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