La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



samedi 28 juillet 2018

On voit qu’un dieu a eu le soleil entre ses mains.

Jaime Casas, Le Maquilleur de cadavres, traduit du chilien par Julie Sanchez, parution originale 2007, édité en France par L’Atelier du Tilde.

Tout commence dans un village du Chili, au bord d’un lac. Arrive un couple, décidé à s’installer sur place. Le début d’une histoire ? Non, hélas, car il meurt dans la nuit. Mais presque en même temps un enfant naît, Pancho. C’est lui, le héros.
Pancho est le fils du croque-mort. Il est différent, un peu lent, il a un monde intérieur. Envoyé dans une petite ville pour aller au lycée, le voici pris entre Simon qui est un vieux vautour, Julián, tueur aux abattoirs, qui l’aime comme un fils, un médecin qui le prend en affection et une certaine Rosita. Pancho a des mains magiques. Avec elles, il sent, il devine, il forme. Elles sont parfaites pour l’amour. Mais ce qui intéresse Pancho, c’est l’âme des morts. À l’aide du médecin, il étudiera tous les muscles du corps, notamment ceux du visage, pour maîtriser les expressions. Il pourra alors redonner une seconde vie aux cadavres.

Il n’y avait pas d’images dans mon cerveau pour accompagner l’émotion que je ressentais en étant sur le point de toucher une preuve défunte de la plus noble de toutes les matières : la chair humaine. Pas de dépouilles, pas de boue ni de charogne mais une masse noble, qui avait d’abord été volonté, entente, excitation, plaisir, souffrance ; qui avait grandi petit à petit, se modelant dans le frôlement d’un siècle pour finir les yeux posés sur mon visage.

Ce roman frôle sans cesse le fantastique, avec cette omniprésence des morts. Pancho réalise des dissections, injecte du formol, étudie la putréfaction des corps. Par ses mains, lui parviennent des informations mystérieuses, du plus profond de l’intimité. Et pourtant, rien de surnaturel là-dedans. On vit et on meurt, il y a l’Église, il y a l’armée, les rumeurs, les accusations, les adultères. Le récit alterne les passages à la troisième personne et ceux à la première, du point de vue de Pancho, ce qui donne beaucoup de vie au roman et nous permet tour à tour de passer du héros aux autres personnages, et de connaître tout ce petit monde. Le tout avec beaucoup d’ironie.
Picabia, Le Baiser, 1923, GAM Turin.

Un roman qui vaut pour son atmosphère poétique et sa langue. L’auteur remercie en ouverture les personnes qui l’ont aidé à se familiariser avec les noms des muscles et des produits chimiques. Les termes très précis renforcent l’impression d’étrangeté. Une autre réalité s’impose au bout des doigts de Pancho, une réalité cachée sous la peau, celle des muscles qui contractent le visage et celle du plaisir aussi. La langue est tour à tour précise, technique, imagée et poétique. 
Un roman d'apprentissage très agréable à lire, avec des trouvailles surprenantes.

J’ai parcouru son corps en le frôlant du bout des doigts, millimètre par millimètre, soupir après soupir. Des papillons ont voleté sur ses mamelons rosés, des lapins se sont baladés sur ses fesses, des serpents ont rampé sur son dos et Velosito a appuyé, modestement, sur son pubis.
Rosita riait, plantait ses ongles sur la tête de lit, contractait tous ses muscles, serrait les dents, écartait les orteils et moi, je la volais à son orgasme à l’aide d’un petit pincement pour recommencer encore et encore.

Destination PAL. La liste de lectures d'été.

2 commentaires:

catherine a dit…

je n'ai pas lu celui-là
mais julia qui a créé cette maison d'édition est comme ma nièce
elle a beaucoup de persévérance avec cette maison d'édition
sinon elle travaille aussi sur un festival du film d'aventure à lyon qui a lieu le dernier week end de Novembre..........

nathalie a dit…

C'est toi qui m'a fait découvrir cette maison d'édition (tu m'avais prêté un roman) en effet.