La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 26 juillet 2018

Pour l’amour du ciel, ne parlez pas de chacal.

Gilbert Keith Chesterton, Le Club des métiers bizarres, traduit de l’anglais par K. Saint Clair Gray, publication originale 1905, édité chez Gallimard.

Ces nouvelles constituent une suite de petites énigmes loufoques qui se déroulent à Londres. Autant de prétexte à rencontrer des personnages ayant la particularité d’avoir créé leur propre métier, absolument unique au monde. Tout cela promet d’être très distrayant.

Sous peu, je raconterai peut-être des histoires sur d’autres clubs auxquels j’ai appartenu. Je dirai les faits et gestes du « Club des Souliers du Macchabée » (cette fraternité superficiellement immorale mais ténébreusement justifiable). J’expliquerai l’origine curieuse du « Chat et du Chrétien », dont on a si honteusement mal interprété le nom. Et le monde saura du moins pourquoi l’« Institut des Dactylos » a fusionné avec la « Ligue des Tulipes rouges ».

Je commence par un bémol. Ces nouvelles ont trois personnages principaux : le narrateur, un homme borné par ses préjugés mais symapthique (à la Watson), Rupert Grant, qui aime le roman feuilleton, qui est assez violent et qui est volontiers mélodramatique, et Basil Grant, son frère, un ancien juge, sans cesse suspecté de folie, très calme, voire un peu monotone (évidemment, c’est lui le cerveau de l’histoire). Chers romanciers, soignez un peu vos faire-valoir, parce qu’ils peuvent très vite me taper sur les nerfs. En l’occurrence, je regrette beaucoup que personne n’ait balancé Rupert dans la Tamise.
Et les dièses ? J’ai bien aimé certaines intrigues, notamment la première avec ce pauvre major Brown (qui n’est pas sans rappeler un autre héros de Chesterton) qui est menacé de mort en plein jardin anglais, ou celle du pasteur contraint de s’habiller en vieille femme et de feindre l’ivresse pour s’accrocher au cou d’un policier ou celle de l’ethnologue se mettant à sauter d’un pied sur l’autre. Et j’ai bien aimé la façon de raconter, ce style à la fois loufoque et logique. De l’humour indubitablement anglais. Une façon d’asséner les plus grosses bêtises d’un ton irrémédiablement sérieux. Une lecture très agréable (j’avais bien besoin de ça après Assurance sur la mort).
Si absurde, so British.
 
École anglaise du XVIIe siècle, Les Jumelles, Tate Britain.
Nous avons toujours été frappés de ce que rien, dans la vie moderne, n’est plus lamentable que de l’obligation pour l’homme d’aujourd’hui de poursuivre toutes les aspirations de son existence en conservant un état sédentaire. S’il désire s’évader dans le royaume des fées, il ouvre un livre ; s’il désire s’élancer au plus fort de la mêlée, il ouvre un livre ; s’il désire prendre son essor vers le ciel, il ouvre un livre ; s’il désire descendre à cheval sur la rampe, il ouvre un livre. Nous lui permettons de réaliser ses visions, mais, en même temps, nous lui procurons de l’exercice, la nécessité de sauter d’un mur à l’autre, de combattre des êtres étranges, d’enfiler de longues rues en courant pour échapper à des agresseurs – tous exercices sains et agréables.



2 commentaires:

keisha a dit…

Oh j'ai lu ça il y a longtemps (pas de vrais souvenirs)
http://enlisantenvoyageant.blogspot.com/2008/10/le-club-des-metiers-bizarres.html

nathalie a dit…

Je viens de voir que dans ton article tu trouvais ça un peu artificiel. C'est vrai. C'est très agréable pour se détendre, mais ça n'est pas impérissable non plus.