Pierre Chuvin, Chronique des derniers païens, première édition 1990, édité aux Belles Lettres.
Un peu d’histoire pour aujourd’hui. Chuvin se penche sur ce que l’on appelle l’Antiquité tardive, ni pour étudier les progrès du christianisme, ni pour réfléchir aux barbares, mais en s’intéressant à ceux qui ont disparu, les païens.
Les pagani/païens, ce sont donc tout simplement les « gens de l’endroit », en ville ou à la campagne, qui gardent leurs coutumes locales, alors que les alieni, les « gens d’ailleurs », sont de plus en plus chrétiens. L’explication… consacre le paganisme comme une religion de la cité et même, à travers ce terme qui veut en souligner le caractère borné, du terroir. Elle fait prévoir la diversité des pratiques et des croyances païennes.
Une première partie est chronologique. Son fil conducteur est celui de la réglementation. De Constantin qui autorise une liberté de culte à Théodose qui interdit tout exercice de culte païen, jusqu’à Justinien qui supprime la liberté de culte, en passant par toutes les nuances locales.
En effet, l’empire romain est grand. Dans certaines villes, les forces chrétiennes sont nombreuses, comme à Alexandrie où l’évêque peut compter sur les moines constitués en milice pour abattre les temples. Ailleurs, comme à Gaza, il convient de composer. Dans beaucoup d’endroits, les cérémonies dans les temples sont interdites, mais les fêtes et les processions, autant d’occasions de se réjouir pour le peuple, sont autorisées, avec plus ou moins d’accommodements.
Une seconde partie est plus thématique. Qui sont les croyants, les prêtres, les dieux, les rites de ces derniers païens ? Dans cet univers, la magie tient une place particulière. En effet, la magie est rapidement interdite pour toutes les religions : connaître le nom du futur empereur, ou gouverneur, représente en effet un enjeu d’État. De même, les païens les plus convaincus peuvent être sceptiques au moment de lire l’avenir dans les entrailles de je ne sais quel animal. De façon générale, les sacrifices sanglants font de moins en moins recette. A contrario, chrétiens et païens souhaitent avoir des enfants, séduire l’être aimé et se venger d’un ennemi…le saint ou le dieu le plus efficace aura droit à une amulette !
La notion d’une religion exclusive des autres était étrangère aux païens. Non qu’ils fussent réellement plus libéraux ou même plus tolérants, car il n’était pas question pour eux de désobéir aux usages ni de les critiquer. Ce qu’ils acceptaient n’était pas le libre examen mais la pluralité des conformismes. Ils avaient l’habitude des superpositions. Les obligations religieuses des hommes variaient, surtout selon leur naissance et le lieu où ils se trouvaient.
Chuvin montre bien que la religion ancienne des Romains est par essence une religion à la fois publique et officielle : les cultes sont salariés par l’État ou la Ville, les cultes des dieux et des empereurs vont de pair. Ce n’est pas une religion du for intérieur (on n’est pas marrane païen). Par conséquent, l’interdiction des cérémonies aux temples signifient quasiment sa disparition, surtout en Occident où ce sont les dignités ecclésiastiques qui couronnent une carrière et où une seule voie s’offre aux intellectuels : devenir clercs. En Orient, la situation est plus mêlée.
La religion ancienne est en revanche étroitement attachée à la culture lettrée, à la rhétorique, à la philosophie, aux sciences. Elle a donc continué à être familière à de nombreux membres de l’élite (hauts fonctionnaires, enseignants, poètes) sous cette forme édulcorée – alors même que plusieurs étaient chrétiens.
Relief avec Mithra, IIIe siècle, Conservé aux thermes de Dioclétien. |
Un petit groupe de philosophes païens parvient à s’installer aux confins de l’empire romain et de l’empire perse et de survivre doucement jusqu’à l’arrivée de l’Islam. Ce serait par l’intermédiaire de cette école de Harrân que la philosophie grecque aurait été transmise à Bagdad aux IXeet Xesiècles.
La réédition de 2011 livre des informations actualisées sur Hypathie d’Alexandrie, philosophe païenne, notable et enseignante, assassinée férocement.
Et bah c’était très intéressant !
(VIe siècle)
Au milieu des violents remous qui agitaient l’Occident, le paganisme était voué à l’extinction chez les intellectuels, du moment que leur cercle se confondaient désormais avec celui des « clercs ». Et dans le reste de la population, privée de théologiens et de desservants capables de maintenir un minimum de cohérence des pratiques, il persistait seulement comme un tréfonds de plus en plus lointain sous le christianisme triomphant.
Je découvre l'existence de cette coupe en verre, verte si la lumière arrive de face, rouge si la lumière provient de l'intérieur. Hâte d'aller l'admirer au British Museum !
Merci pour ce billet, païen n'est donc pas un gros mot !
RépondreSupprimerBon weekend de fin d'année :)
Pour les chrétiens, c'est un terme péjoratif bien sûr, mais sinon en effet.
RépondreSupprimervoici qui m'intéresse. Justement le bas-relief de Mithra des thermes de Dioclétien m'avait interpellée. Je note
RépondreSupprimerUn peu d'histoire de temps en temps !
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