La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mercredi 17 juillet 2019

J’ai trop peu fait, se disait-il, trop peu.

Joseph Roth, Job, roman d’un homme simple, parution originale 1930, traduit de l’allemand par Jean-Pierre Boyer et Silke Hass, paru en France aux Éditions Héros-Limite.

C’est l’histoire de Mendel Singer, un juif simple et pauvre, vivant avec sa famille dans un pauvre village de l’immense empire russe. Sa famille : sa femme Deborah, les deux fils aînés, la fille qui aime peut-être trop les cosaques et le petit Menouchim, malade et attardé.

Et il n’arriva rien. Rien qu’un matin d’été qui commençait, rien que des alouettes qui grisollaient dans l’inaccessible lointain, rien que des rayons de soleil qui forçaient avec une brûlante violence les fentes des volets, et les larges ombres au bord des meubles devenaient de plus en plus minces, et l’horloge tictaquait et s’apprêtait à frapper ses six coups, et l’homme respirait.

Le roman raconte leur vie à eux tous : les affres quand les garçons doivent effectuer leur service militaire, les combines de la mère pour qu’un des deux puisse y échapper, l’émigration en Amérique, l’abandon d’un enfant, la Première guerre mondiale, les malheurs et au milieu de tout cela, la confiance et la révolte envers Dieu. Tout cela est raconté dans une langue simple, touchante, délicate, rapide, sans s’attarder plus qu’il n’est nécessaire – c’est que la vie avance vite.
Le roman est une fable. Il ne vise pas la force percutante, mais une douce poésie s’en dégage. Je retiens notamment le récit des réveils de Mendel et des différents personnages, quand les autres dorment encore, quand il se lève et commence ses prières, chaque jour avec des gestes qui relèvent autant du rituel que de la routine. Il y a aussi les longues marches dans la campagne, la neige et la boue.
C’est la vie simple, les espoirs et les chagrins des petites gens, qui, à un moment, peuvent dire à Dieu : « ça suffit. »

G. Vogels, La neige soir, 1883, Musées royaux des beaux-arts de Bruxelles
Ils se resserrèrent en un groupe compact, ouvrirent leurs livres de prières – blanches luisaient les pages, noirs se hérissaient les caractères anguleux sous leurs yeux dans la clarté bleutée de la nuit –, et ils commencèrent de murmurer leur salut à la lune et de balancer leurs bustes d’avant en arrière, et ils semblaient comme secoués par une invincible tempête. Toujours plus vite ils se balançaient, d’une voix toujours plus forte ils priaient, avec une ferveur guerrière ils lançaient vers le ciel lointain leurs paroles ancestrales.

Il chantait les psaumes dans les bons moments et dans les mauvais. Il les chantait quand il remerciait le Ciel et quand il le craignait. Les balancements de Mendel étaient toujours les mêmes. Et ce n’est qu’à sa voix qu’un auditeur attentif aurait peut-être pu percevoir si Mendel, le juste, était reconnaissant ou empli d’angoisses.

Merci Magali pour la lecture !
Une étape dans mon programme de lecture d’été.


6 commentaires:

Dominique a dit…

un roman que j'ai beaucoup aimé même s'il n'a pas la force des grands romans de Roth

nathalie a dit…

Je comprends. J'avais entendu parler de Roth mais je ne m'attendais pas du tout à cela. J'imagine en effet qu'il n'est pas forcément très représentatif.

eeguab a dit…

J'aime beaucoup Joseph Roth mais je ne connais pas ce roman.

nathalie a dit…

On me l'a prêté, sinon je ne serais jamais tombée dessus !

miriam a dit…

Bie envie de le lire!

nathalie a dit…

Ah ça pourrait te plaire.