La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 1 octobre 2020

Le seul endroit d’une ville où un grand nombre de gens côtoient des êtres perturbés ou crasseux.

Susan Orlean, L. A. Bibliothèque, traduit de l’américain par Sylvie Schneiter, parution originale 2018, paru en France aux Éditions du sous-sol. 

Avez-vous entendu parler du grand incendie qui dévasta la bibliothèque de Los Angeles en 1986 ? Sans doute que non. Il faut dire que ce même jour se produisit une catastrophe d’une tout autre ampleur, à Tchernobyl. Et pourtant…

Orlean se donne pour projet tout à la fois de raconter l’histoire de cette énormissime bibliothèque et de l’incendie qui la ravagea. Et si ce n’est pas « un thriller haletant », contrairement à ce que prétend l’éditeur qui doit en fumer de la bonne, c’est extrêmement intéressant.


Les pertes : un tome de Don Quichotte de 1860 avec les illustrations de Gustave Doré. La totalité des biographies consacrées à des personnages dont l’initiale du nom était un H, un I, un J ou un K. La totalité des ouvrages sur l’histoire du théâtre. Tout Shakespeare. Cinq millions et demi de listes de brevets déposés depuis 1799 avec dessins et descriptions. Douze mille livres de recettes, dont six pour les pop-corn.


D’un côté, il y a donc l’histoire de la bibliothèque de Los Angeles, fondée au XIXe siècle, avec les portraits de ses conservateurs. Le défilé des personnalités (philanthrope, jeune femme de bonne famille, suffragette, visionnaire excentrique, sage homme d’administration, femmes à lunettes…) permet de suivre l’évolution du métier de bibliothécaire, sa formation, ses responsabilités, son travail. De l’autre, le récit – terrifiant – de l’incendie, l’enquête de police, la description des livres détruits, le récit de leur sauvetage et de la réouverture de la bibliothèque, plus superbe que jamais. Entre les deux, ce qui m’a particulièrement intéressée : et comment ça marche une bibliothèque aujourd’hui ? Si jamais une bibliothèque s’est un jour limitée au prêt et à la consultation de documents écrits, cela fait bien longtemps (mais vraiment longtemps) que sa palette s’est élargie. Prêt de partitions aux orchestres de la ville, cours de conversation, service de renseignements, écrivain public, aide aux démarches administratives. À Los Angeles, comme à Marseille, les bibliothèques sont un des rares lieux gratuits ouverts à tous. On ne vous demande pas vos papiers au moment où vous vous installez dans un fauteuil et chacun peut s’y sentir chez soi. Ce sont des lieux publics uniques et indispensables à la bonne vie en société.

Ce n'est pas trépidant, mais c’est un joli livre en hommage à Los Angeles.

 

Les gens vont et viennent dans ce genre d’établissement, sans qu’on les observe ou les remarque. Une bibliothèque incarne peut-être notre idée de la permanence, en revanche ses usagers changent constamment. C’est autant un portail qu’un lieu – un point de transit, un passage.

 

La bibliothèque de Los Angeles. Image Wikipedia.

Une autrice. Merci Estelle pour la lecture !



4 commentaires:

Dominique a dit…

j'ai lu il y a longtemps un article sur l'incendie mais qui était un simple entrefilet hélas

keisha a dit…

Jamais entendu parler de cet incendie...
Et j'ai habité une ville où visiblement des SDF fréquentaient la bibli, tranquillement, après tout il y fait chaud. Il y a peu d'espaces de ce genre quand on est à le rue.

nathalie a dit…

Ah toi tu n'avais pas 6 ans en 86 alors !

nathalie a dit…

Oui c'est le cas de toutes les bibliothèques. Un endroit où il fait chaud, où on peut aller aux toilettes, où on peut accéder à un ordinateur. Un service public quoi.