Après une série de billets consacrés à mes vacances d’été, j’ai décidé de vous présenter quelques figures d’artistes, plus ou moins connus, mais plutôt situés du côté « je connais pas trop », histoire de vous faire bénéficier de mes visites de musée. Ces figures originales vivaient au XIXe et au XXe siècle. Certaines d’entre elles donnent lieu à des expositions qui sont terminées ou suspendues ou prolongées ou visibles en ligne (so 2020).
Je commence par une dame, Camille Moreau-Nélaton.
J’ai découvert la production de cette céramiste dans l’exposition que lui consacrent les musées de Rouen.
Née dans une famille d’artiste, mariée à un homme qui la soutient dans sa démarche artistique, Camille Moreau-Nélaton est une grande céramiste de la fin du XIXe siècle. Elle développe un œuvre original, inspiré par le japonisme. À une époque où il est bienvenu pour une jeune fille de faire de l’aquarelle, mais totalement blâmable pour une femme d’être une artiste professionnelle (impensable de mettre dans la même phrase « femme » et « public »), elle expose au Salon et vend ses pièces auprès de plusieurs collectionneurs. Toutefois, afin de conserver intacte sa réputation et de répondre aux normes sociales de son temps (= continuer à être entretenue par son mari et continuer à s’inscrire dans une pratique artistique d’amateur et surtout pas de professionnel), elle distribue tous ses gains à des œuvres de philanthropie. Malheureusement, sa carrière est assez courte, car elle meurt de façon dramatique dans l’incendie du Bazar de la Charité.
Son fils, Étienne Moreau-Nélaton, rédige la seule grande monographie complète qui lui est consacrée. Il est d’ailleurs lui-même collectionneur et une salle du musée d’Orsay montre les chefs d’œuvres qu’il a légués à l’État.
Peut-être son chef d'oeuvre, ce plat Carpes et pêcher en fleurs (1876, travaillé avec le céramiste Laurin, conservé au musée national Adrien Dubouché de Limoges). Le musée de Limoges l'a acquis dès son exposition, montrant par là que l'État reconnaissait officiellement la valeur du travail de Moreau-Nélaton. Un motif inspiré des estampes japonaises, mais un motif improbable : comment ces carpes et ces fleurs peuvent-elles se mêler ? S'agit-il d'un reflet des fleurs sur l'eau ? De fleurs flottant sur l'eau ? Ou... d'un élégant motif poétique ?
Des vases dont les motifs sont inspirés par les estampes japonaises.Ce plat Araignée et proie prise dans la toile (1879, avec les céramistes Massier, conservé en collection privée) a un motif original. Une toile d'araignée trace des lignes droites et un motif abstrait, de fines lignes blanches. Le fond est presque vide. Et le pourtour alterne motif géométrique et motif fleuri.
Un plat Capucines enlacées sur un treillage (1880, avec le céramiste Laurin, collection privée) montre des motifs en relief, où les fleurs s'entrecroisent avec le treillage. Ici tout est plein et déborde ! Les couleurs sont vives et lumineuses. Comme un tableau.
Un motif original pour ce plat Vue de Fère-en-Tardenois (Aisne) au clair de lune (1896, avec le céramiste Dammouse, conservé dans une collection privée) : une ville la nuit, avec la lumière artificielle et la lumière de la lune qui se mêlent, et un pourtour ornemental.
Le plat Les toits de Paris au clair de lune (1886, avec le céramiste Laurin, conservé en collection privée) montre encore un motif original et rare : une ville contemporaine, avec ses cheminées d'usine et son éclairage artificiel, sous la nuit et la lune, survolée par une chouette. La présence de la ville industrielle et contemporaine constitue un point commun avec certains tableaux impressionnistes (Pont de l'Europe, gare Saint-Lazare) même si le traitement est totalement différent et personnel. La chouette apporte ici une note très originale et mystérieuse.
Un plat Saturne contemplant Paris au clair de lune (1887, avec le céramiste Laurin, en collection privée) avec Saturne, grand dieu du temps, porteur de la faux (qui rappelle tout aussi bien la mort que le temps), qui contemple la ville. Il y a des couronnes mortuaires à côté de lui. Ce n'est pas sans rappeler la créature créée par Viollet-le-Duc à Notre-Dame de Paris qui surplombe lui aussi la ville. Ce point de vue en hauteur est original et est nouveau à cette époque.
Eclaire ma lanterne (je suis une quiche) pourquoi chaque fois 'avec le céramiste'. Il faut être deux?
RépondreSupprimerMoreau-Nélaton a appris à dessiner et peindre, puis elle a appris à travailler sur le support céramique : mise au point des couleurs, du décor, des motifs. Elle concevait le décor et le fabriquait, mais le support (= le plat, le vase) était fabriqué par un céramiste, d'autant qu'elle n'avait pas de four à domicile. Elle devait se rendre dans un atelier et travailler avec un céramiste qui acceptait de collaborer avec elle.
SupprimerMerci!
SupprimerBonjour Nathalie,
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup l'assiette avec les carpes et celle avec les capucines. Il va falloir que je retourne dans le musée de Limoges !
Syl.
Je n'y suis jamais allée, mais ça donne envie de découvrir. Il doit y avoir des merveilles !
SupprimerC'est bien joli! J'emporterais bien les capucines mais toutes sont belles
RépondreSupprimerEt je n'ai pas tout photographié.
Supprimerj'ai croisé ce nom mais j'ignorais totalement quel était son travail
RépondreSupprimerc'est superbe vraiment
C'était une découverte pour ma part.
SupprimerUn beau travail ! j'admire l'originalité de ces oeuvres, cette araignée, cette vue sur les toits de Paris...
RépondreSupprimerOui ! Les vues aériennes sur les toits des villes, c'est un motif qui apparaît au XIXe siècle, c'est très moderne.
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