Jim Harrison, Nord-Michigan, traduit de l’américain par Sara Oudin, parution originale 1976.
Au tout début du roman, comme dans un rêve, un homme et une femme mangent au restaurant devant la mer. Le premier chapitre dresse le bilan de l’année écoulée et indique comment Joseph a failli tout perdre. Et ensuite le roman raconte à la fois la vie de Joseph et l’année qu’il vient de vivre.
Dans le Nord Michigan, dans les années 50, Joseph n’est ni tout à fait fermier ni tout à fait instituteur, mais un peu des deux, à cause d’un accident survenu dans son enfance. C’est un homme mélancolique, empli de regret, pensant être passé à côté de sa vie (il a seulement 43 ans), un peu perdu. Les détails de son existence nous sont donnés au fil du récit, des souvenirs et des conversations. En revanche, on apprend rapidement que depuis l’automne il couche avec une de ses élèves (20 ans d’écart) alors que sa chère Rosalee reste l’éternelle fiancée en attente du mariage. Joseph veut aller voir l’océan – il ne veut pas devenir fermier. Toute l’année passe, avec la chasse et la pêche, et l’alcool, et les interrogations.
Joseph aimait les longues journées fraîches d’automne, lorsque même les ombres sur le sol étaient nettes et identifiables. La grange projetait la silhouette d’une autre grange, plus grande et plus sombre et les dentes rouillées des fourches à foin s’allongeaient à la surface des herbes folles.
C’est un drôle d’excellent petit roman. Le héros n’a rien de sympathique, ni de très antipathique non plus. Finalement le voici à un tournant de sa vie. Va-t-il choisir entre les deux femmes, entre la reprise de la ferme, la continuité avec sa famille et son milieu, ou tout envoyer promener, lui qui ne rêve que de chaleur et de poissons multicolores, de poésie et d’exotisme ? Le titre original est Farmer et met l’accent sur une identité, sur un choix de vie, sur une destinée à laquelle on peut peut-être échapper si on le désire (mais le désire-t-on vraiment ?) sachant que la vie immuable à la campagne n’est pas immuable du tout.
Il y a l’étrange présence de l’histoire, des diverses guerres, des pionniers, des Suédois qui ont défriché la terre.
Je trouve que la structure du roman est très habile. Après le début, le roman est un long retour en arrière, sauf que le doute habite sans cesse le lecteur : a-t-il lu la bonne fin ? Et si c’était une illusion ? Et si Joseph n’avait pas choisi cela ? On ne peut pas vraiment savoir.
Et puis il y a toute la vie à la ferme, malgré tout.
Schaefer, Maison de ferme ontarienne, 1934 Ottawa
Il s’approcha d’une haie de mûriers et fit semblant de donner à son vieux chien, un épagneul, l’ordre de foncer dans les buissons pour en déloger les oiseaux. Mais le chien était mort depuis longtemps. Joseph marqua une pause, regardant le soleil pâle se lever au-dessus des marais.
Quand on arrivait au mois de mars, et souvent même plus tôt, tout le monde était écœuré par l’hiver. Et il suffisait d’un terrible orage en avril pour provoquer un accès de dépression collective. Carl disait que l’hiver était pareil à une vache qui ruminerait la même touffe d’herbe pendant six mois ou plus.
Pourquoi pas? j'aime bien l'auteur, même si le héros n'est pas bien sympathique a priori.
RépondreSupprimerJe ne connais pas bien l'auteur mais je ne suis pas certaine qu'il soit fan des héros sympathiques !
SupprimerC'est certainement un auteur américain que je lirais plus si je lisais moins d'autre chose...
RépondreSupprimerplus précisément, je me laisserais bien tenter par une longue plongée dans la littérature nord-américaine, si riche.
Je connais assez mal également mais oui, si riche.
Supprimerun des rares Harrison que je n'ai pas lu, un oubli à rattraper manifestement
RépondreSupprimerAlors moi, je crois que c’est mon premier. Tu vois, ça fait une moyenne.
SupprimerComme Dominique j'aime cet auteur Jim Harrison mais je n'ai pas lu celui-ci !
RépondreSupprimerIl te plaira certainement.
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