Michel Jean, Kukum, 2019, édité au Québec par Libre Expression.
Une histoire sensible.
Almanda est une femme âgée et elle raconte sa vie, depuis ses 15 ans, quand elle a quitté le village où elle vivait, quelque part au bord d’un lac québécois, pour aller vivre avec Thomas, un Innu. Elle raconte la découverte de sa nouvelle famille, son amour, ses enfants, son apprentissage de la vie dans la forêt, et puis la destruction opérée de façon tout à fait consciente par le gouvernement canadien.
Les hommes ont raconté leur voyage et j’ai écouté leur récit avec fébrilité. J’étais déterminée à ne pas rester derrière à m’occuper du campement. Je voulais moi aussi monter dans le Nord, chasser, piéger et découvrir ces contrées lointaines. Malek et ses fils avaient rapporté beaucoup de peaux de castor et de vison. L’année commençait bien.
C’est un texte court, d’une écriture très simple, mais très sensible. J’ai aimé le récit de cette rencontre, presque comme une fable, où les difficultés sont traitées avec détachement et légèreté, comme peu de choses, et où toute la place est donnée au bonheur et à la vie quotidienne.
À cette histoire, Jean ajoute 2 courts chapitres, l’un consacré à l’ascendance supposée d’Almanda, peut-être une origine irlandaise, l’autre aux souvenirs qu’il a de son arrière-grand-mère, car c’est d’elle dont il s’agit.
Je lui sais gré d’avoir laissé la plus grande place au récit du monde d’avant, car celui de son anéantissement (la fin des campements et de la chasse, la forêt mise en coupe, les familles enfermés dans des maisons, l’alcool et la violence dans la communauté, l’enlèvement des enfants à leurs familles) est traité avec une grande pudeur – c’est tellement douloureux. Le fait que l’auteur réussisse à faire parler Almanda suggère que la transmission a pu avoir lieu et que tous les souvenirs ne sont pas disparus. Cette fin ouverte apporte un léger baume à l’immense déchirure qui a eu lieu.
Almanda a réussi à passer du monde étroit et fermé de la ferme familiale, où chacun répète les mêmes gestes de génération en génération, à celui de la forêt et de la rivière, où l’on voyage sur la rivière et où on se repère au milieu de la neige. Je retiens notamment le récit de la récolte traditionnelle du sirop d’érable et un voyage à Québec.
C’est une très belle histoire d’amour.
Carmichael, Temps neigeux, 1938 Ottawa |
Une violente tempête nous a forcés à rester une semaine dans nos tentes secouées par les bourrasques glacées. Des vagues dont la taille ressemblait à la houle de Pekuakami roulaient sur la surface déchaînée de la rivière. Nous ne pouvions ni bouger ni même chasser. Il fallait attendre encore, alors que le temps manquait déjà.
Lire au Québec. Merci Sylvie pour la lecture.
L’avis de Karine.
J'aime bien aussi le tableau qui illustre le billet.
RépondreSupprimerMerci !
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