Julio Cortázar, Cronopes et Fameux, parution originale 1962, traduit de l’espagnol par Laure Guille-Bataillon, édité en France par Gallimard.
Il s’agit d’un recueil de très courts textes, dont le maître mot serait… l’absurde ? Influencée par la biographie de l’auteur, je situe l’esprit entre le surréalisme belge et la logique intenable de Borges.
Comme un taureau rétif pousser de la tête contre la masse transparente au cœur de laquelle nous prenons notre café au lait et ouvrons le journal pour savoir ce qui se passe aux quatre coins de la brique de verre. Refuser que l’acte délicat de tourner un bouton de porte, cet acte par lequel tout pourrait être transformé, soit accompli avec la froide efficacité d’un geste quotidien. À tout à l’heure, chérie, bonne journée.
Il y a des scènes de bureau dignes des années 60 et de Tati. Et des gens qui s’amusent à démonter leurs canalisations pour trouver un cheveu. Et des interprétations délirantes de peintures de la Renaissance italienne.
Afin de lutter contre le pragmatisme et l’horrible tendance à la poursuite des fins utiles, l’aîné de mes cousins préconise le procédé suivant : s’arracher un beau cheveu, faire un nœud en son milieu et le laisser tomber délicatement dans le trou du lavabo. (…) Sans perdre un instant, il faut se mettre à l’œuvre pour récupérer le cheveu.
J’aime bien les instructions pour monter un escalier, c’est-à-dire la description méthodique, précise jusqu’à l’absurde, d’une action ordinaire. J’aime assez la famille (il s’agit souvent de délire familial) qui installe un échafaud dans son jardin sous les regards choqués des voisins ou la famille qui s’accapare les funérailles des autres (c’est assez amusant). Est-ce la même famille qui s’efforce de poster un tigre dans son salon ?
J’aime bien aussi l’ours qui habite les tuyauteries du chauffage et qui nous regarde dormir, la nuit. Il y a aussi le portrait du casoar. Et deux paragraphes très poétiques sur les gouttes d’eau qui glissent sur la vite. Il y a aussi une pendule-artichaut et un homme qui impose le roumain comme langue à la radio argentine.
Un esprit de fantaisie.
Di Rosa, Sans titre, 2001 faïence (Roubaix Piscine ) |
Les mots, par exemple, il ne se passe pas de jour qu’elle ne les brosse, les lustre, les range à leur place sur l’étagère, ne les prépare et ne les pare pour leur tâche journalière. S’il me vient aux lèvres quelque adjectif un peu inutile – parce qu’ils naissent tous hors de l’orbite de ma secrétaire et en quelque sorte hors de la mienne – la voilà crayon en main qui l’attrape et le tue sans lui donner le temps de se joindre au reste de la phrase et de survivre par mégarde ou par habitude.
J’ai conscience de ne pas du tout vous donner envie de vous plonger dans l’œuvre de Cortázar. Ce genre de texte n’est pas du tout vendeur sur les blogs. Il faut bien avouer qu’ils ont suscité un intérêt assez divers de ma part (entre grand sourire et pages tournées rapidement). Pour ma part, j’ai assez envie de me procurer Marelle et Les Autonautes de la cosmoroute.
Troisième et étonnante participation au mois latino-américain d’Ingannmic.
Moi j'aime bien quand on trouve des trucs pas vendeurs sur les blogs... et j'ai beaucoup aimé Marelle, qui devrait te plaire ! (lien récupéré).
RépondreSupprimerAh merci, j'étais en réunion, pas pu me connecter plus tôt. Je compte bien continuer à découvrir l'auteur.
SupprimerTiens donc, je pourrais tenter, tu as réussi! Mais pas tout de suite.
RépondreSupprimerEst-ce le belge ou le tigre qui a failli par t'intriguer ?
SupprimerLe tigre? Où est-il?
SupprimerMais les belges tels Hanotte ont le don de m'intéresser.
Il y a beaucoup de fantaisie, semble-t-il. Les blogs, ça sert aussi découvrir des ouvrages vers lesquels on ne serait pas allé spontanément.
RépondreSupprimerTout à fait. C'est d'ailleurs grâce aux blogs que mes goûts et intérêts se sont considérablement élargis ces dernières années.
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