La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



samedi 11 janvier 2025

Weegee - Je n’ai pas de tabou – et mon appareil photo non plus.

 

Ascher Fellig (1899-1968) dit Weegee est un photographe américain.

Né en Galicie dans une famille juive, immigré à New York, il a photographié sa ville de prédilection, ses crimes, sa population, ses flics, mais aussi les studios d’Hollywood. 


J'ai visité au mois de mai une exposition qui lui était consacrée, mais j'ai aussi lu son autobiographie, Weegee par Weegee (traduit de l’anglais par Myriam Anderson, parution originale 1961, édité en France par La Table ronde).

C'est le récit plein d’énergie d’un self-made-man depuis la naissance en Autriche, l’enfance pauvre à New York et puis l’ascension, jusqu’à Hollywood, du photographe star. C’est le récit d’une époque qui est profondément datée et d’un homme qui se vante beaucoup, mais qui a révolutionné la photo, qui photographie les pauvres et les stars, et qui n’a pas eu de vie en dehors de la photo.

 

Ma machine à écrire est cassée. Je n’ai pas de dictionnaire, et je n’ai jamais prétendu avoir le moindre sens de l’orthographe, mais si Shakespeare, Balzac et Dostoïevski y sont arrivés à la dure – à la main – pourquoi pas moi ?



Weegee devant sa machine à écrire installée dans le coffre d'une Chevrolet (NY 1943)


Weegee fut le photographe du crime, des criminels, des tués et de la police. Il louait une chambre derrière le commissariat et avait sa radio branché sur la fréquence de la police (avec son autorisation). Sa voiture était son bureau et son appartement : machine à écrire, appareils photo et tout le nécessaire (les cigares ne devaient pas manquer).



Meurtre à Hell's Kitchen (NY 1941)

C'est le genre de photo qui a fait sa célébrité. Premier sur les lieux, hop photo, puis premier dans les rédactions avec ses clichés.

On l'a accusé de voyeurisme et d'avoir participé à l'essor des tabloïds et de jouer sur le sensationnalisme.


 


Charles Sodokoff et Arthur Webbeer se cachant le visage avec leurs chapeaux (NY 1942) et Henry Rosen et Harvey Stemmer arrêtés (1945 NY).
Un coup de flash dans le panier à salades et vous passez à la postérité. Ces photos sont composées comme des scènes de théâtre et sont immédiatement évocatrices. Ce qui est intéressant, c'est que Weegee a pris des photos tout à fait voyeuristes, a photographié les gens qui cachent leur visage, mais aussi les spectateurs, et puis les stars qui se mettent en scène sous son regard.


Leur premier meurtre (Brooklyn 1941)
De nombreuses photos montrent tout ce qui entoure la scène du meurtre : les policiers, entre leur travail et l'attente, la foule, curieuse et horrifiée, les commerces qui continuent leur vie.

Les affaires marchaient bien. Je me régalais. Les journaux commençaient à compter sur moi. Un bon meurtre par soir, un petit incendie et un hold-up pour faire bonne mesure, et je m’assurais ma ration quotidienne de blintzes, de knishes et de pastrami, avec l’agréable sensation des billes verts pliés dans ma poche.

Cynique le photographe ? Mise en scène de soi ? Weegee a beaucoup photographié les habitants de ces quartiers populaires, mendiants, enfants, vendeurs des rues, ainsi que les asiles de nuit et les cages d'escalier. C'est là d'où il venait. Ils connaissaient ces gens puisqu'il était l'un d'eux.


Simply Add Boiling Water (NY 1943).

Plusieurs photos d'incendie dans ces vieux immeubles mal protégés du feu, avec la foule qui regarde. Le titre ? C'est l'enseigne qui le donne. Et cela peut produire un curieux effet.

Il y a aussi des photos de nudistes (produites pour des nudistes), des photos de mode pour Vogue, des studios de cinéma, des strip-teaseuses… et les diverses commandes des journaux. C’est aussi le créateur de photos déformées ou de caricatures photographiques (je pense à certaines créations de Dalí)  comme cet autoportrait.


C’était l’East Side des années 1920, avec sa maison de jeux de Grand Street, son centre d’hébergement de Henry Street, sa maison des jeunes, ses écoles de musique, ses synagogues, et ses bordels. J’aimais et je fréquentais tous ces endroits.

 

La semaine prochaine, un grand peintre.


 


 

1 commentaire:

  1. Je ne connaissais pas le photographe des criminels. Merci pour cette découverte originale

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