Lire ou écrire sur les livres, il faut choisir… et quand on aime lire de gros livres, il faut vraiment choisir. Donc, en guise d’entracte, un extrait des délicieuses Histoires naturelles de Jules Renard (une merveille) :
La vache
Las de chercher, on a fini par ne pas lui donner de nom. Elle s’appelle simplement « la vache » et c’est le nom qui lui va le mieux.
D’ailleurs, qu’importe, pourvu qu’elle mange !
Or, l’herbe fraîche, le foin sec, les légumes, le grain et même le pain et le sel, elle a tout à discrétion, et elle mange de tout, tout le temps, deux fois, puisqu’elle rumine.
Dès qu’elle m’a vu, elle accourt d’un petit pas léger, en sabots fendus, la peau bien tirée sur ses pattes comme un bas blanc, elle arrive certaine que j’apporte quelque chose qui se mange. Et l’admirant chaque fois, je ne peux que lui dire : Tiens, mange !
(…) Quoiqu’elle vive seule, l’appétit l’empêche de s’ennuyer. Il est rare qu’elle beugle de regret au souvenir vague de son dernier veau. Mais elle aime les visites, accueillante avec ses cornes relevées sur le front, et ses lèvres affriandées d’où pendent un fil d’eau et un brin d’herbe.
Les hommes, qui ne craignent rien, flattent son ventre débordant ; les femmes, étonnées qu’une si grosse bête soit si douce, ne se défient plus que de ses caresses et font des rêves de bonheur.
Elle aime que je la gratte entre les cornes. Je recule un peu, parce qu’elle s’approche de plaisir, et la bonne grosse bête se laisse faire, jusqu’à ce que j’aie mis le pied dans sa bouse.
Victor Westerholm, Troupeau dans un bois de bouleaux, 1886, Turku, Taidemuseo |
Jules Renard, Histoires naturelles, 1e édition 1896, Paris, Flammarion, 1967.
Excellent ! C'est La salle des meurtres, le gros pavé ?
RépondreSupprimerNon, le premier pavé était Imre Kertész (le billet paraît demain) et ensuite je vais entamer Gide pour une lecture commune, sachant qu'après j'ai Flaubert pour une autre LC. J'intercale des polars entre pour respirer... Et les historiettes de Jules Renard.
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