Léon Tolstoï, Anna Karénine, traduit du russe par Henri Mongault, 1e
éd. 1878, Paris, Gallimard, 1952.
Il faut le dire, je suis plutôt
une quille en matière de « gros roman russe » (je crois bien n’avoir
lu que Gogol et Crime et châtiment de
Dostoïevski). Donc quand Cryssilda a proposé une Lecture commune d’Anna
Karénine, j’ai sauté sur l’occasion. Et je
ne le regrette pas. Je l’ai dévoré, c’était formidable.
Pour l’histoire, je me
contenterai d’une brève évocation de cette trame de plus de 800 pages. Nous
suivons la vie, sur à peu près 2 ans, de plusieurs personnages, liés
essentiellement par la famille. Anna, épouse de Karénine, et son immense
passion avec le comte Vronski. Kitty, toute jeune femme, désireuse de se
marier, oui, mais avec… ? Dolly, sœur de Kitty, qui peine à supporter son
mari et ses frasques. Levine qui dépense son énergie à mettre en valeur ses
terres et qui ne rêve que d’une seule chose, épouser Kitty… le point de vue
alterne entre ces personnages en courts chapitres très rapides. Nous passons de la haute société moscovite à
celle de Saint-Pétersbourg aux grandes propriétés rurales, entre lesquelles
glisse le train.
J’avoue avoir ouvert le livre
avec une certaine prudence, car je craignais que ce roman ne contienne ces
longs développements philosophico-politiques propres au XIXe siècle
que je ne supporte pas. Bonne surprise, il y en a très peu, concentrés autour
de Levine, personnage qui cherche la voie de son bonheur. Mais le mouvement de
la vie emporte bientôt tout cela.
Les personnages sont très réussis
dans leur portrait et la description de leurs sentiments, certains d’entre eux
nous sont plus sympathiques que d’autres, mais je n’ai pas eu de peine à
m’identifier à l’un ou à l’autre. Un part importante est faite à la campagne
russe, la nature telle qu’elle est cultivée et mise en valeur par les paysans.
Nous sommes à une période de progrès technique en agriculture et les
théoriciens réfléchissent sur les engrais, les labours ou sur les masses
ouvrières et paysannes. Levine qui gère un vaste domaine a la tête pleine de
toutes ces questions et l’on découvre des nobles russes entre aristocratie
traditionnelle et soif des Lumières.
Elle s’arrêta, contempla un
moment les cimes des trembles, dont les feuilles encore humides luisaient au
soleil et comprit soudain qu’on ne lui pardonnerait point, que le monde entier
serait sans pitié pour elle comme ce ciel et cette verdure. De nouveau elle se
sentit en proie aux hésitations, au dédoublement intérieur. « Allons, se dit-elle,
il ne faut pas penser… Il faut fuir… Mais où ? quand ? avec
qui ?... À Moscou, par le train du soir… J’emmènerai Serge et Annouchka et
ne prendrai que le strict nécessaire… Mais il me faut d’abord leur écrire à
tous les deux… »
Et rentrant vivement dans son
boudoir, elle s’assit à son bureau pour écrire à son mari.
Le personnage autour de qui
s’ordonne est évidemment Anna Karénine, héroïne complexe et passionnée, qui se
laisse peu à peu emprisonner par son amour. Mais aucun protagoniste n’est d’un
seul bloc, ce qui fait la particulière réussite du roman. Anna n’est pas
l’héroïne de Belle du Seigneur, elle est
lucide sur ses choix, sacrifiant une part de sa vie pour une autre qu’elle
croit meilleure. Nous la voyons aussi à travers les yeux des autres personnages,
qui la jugent moralement mais subissent son charme et son intelligence.
Félix Ziem, Saint Pétersbourg, Saint Isaac, 1842/1843,
Paris, Petit Palais, image RMN
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Le personnage qui m’a toutefois le plus touchée est celui de Dolly, l’épouse bafouée d’Oblonski, dévouée à ses enfants. Elle apparaît dès les premières pages, un peu stupide et naïve, on ne peut s’empêcher de la plaindre quand on considère la situation faite aux femmes en cette fin de XIXe siècle, acceptant finalement les infidélités de son époux pour se consacrer à ses enfants. Mais sa sensibilité se développe peu à peu, au contact de ses proches et de leurs souffrances, elle perçoit les contradictions de son état et celles des autres. Se comparant à la jeune et ravissante Kitty, à la si brillante Anna, elle trouve sa vie fade et gâchée. Mais elle mesure les amours et la bonté reçus d’un amant, d’un mari, de ses amis, de sa famille, de ses enfants et en vient à mener brillamment sa vie de mère de famille sans rien regretter.
Et oui, Anna Karénine est ce roman qui commence par :
Les familles heureuses se
ressemblent toutes ; les familles malheureuses sont malheureuses chacune à
leur façon. Tout était sens dessus dessous dans la maison Oblonski.
Lecture commune avec... Nadael, Malika, Manu (grosse patience, la LC a eu un gros pépin). Addendum 24 avril : l'avis de Cryssilda.
L'avis aussi de La grotte des livres
bravo nath. QUEL BEAU ZIEM
RépondreSupprimerje lis anna ms je trouve la fin longuette . BISES
Un très bon souvenir de lecture d'adolescence.
RépondreSupprimerOui ce Ziem est magnifique... Accroche-toi Cath !
RépondreSupprimerAlex : moi j'ai loupé tous les romans russes dans mon adolescence mais j'en apprécie d'autant plus celui-ci.
Si tu as raté l'époque russe dans ton adolescence, il faudrait que tu la reprennes petit à petit. Il y a des histoires qui sont gravées encore dans ma mémoire après 30 ans, dont "Les frères Karamasov".
RépondreSupprimerEffectivement, on peut dire que j'ai raté la Russie ! Enfin, à part Gogol. Je vais m'y mettre...
RépondreSupprimerJe suis ravie que tu aies aimé ! Oui c'est un très beau roman, très riche et la psychologie des personnages est très bien dressée !
RépondreSupprimerMerci pour ta participation, et peut-être à l'année prochaine ? ;)