La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mercredi 9 février 2011

Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ?


Un classique au sens propre du terme : Andromaque de Racine créé en 1667.
Lu quand j’étais au lycée et relu récemment. L’histoire est connue : après la destruction de Troie, Andromaque, veuve d’Hector, est détenue par Pyrrhus, fils d’Achille, qui s’est épris d’elle. Il lui fait horreur mais il détient son fils Astyanax. Par ailleurs, Pyrrhus s’est engagé à épouser Hermione, fille d’Hélène et Ménélas. Elle est en proie à la plus grande fureur. La Grèce, outrée de voir Pyrrhus outrager une fille de roi et épargner le fils de l’ennemi, envoie comme émissaire Oreste, fils d’Agamemnon et de Clytemnestre, qui avait souhaité épouser Hermione, auparavant. La pièce commence à l’arrivée d’Oreste et finira comme une vraie tragédie.

La pièce est magnifique. Le rythme est incroyablement rapide : l’action est contemporaine de la durée de la représentation. Elle avance au fil des décisions prises par les personnages, elles-mêmes dictées par leurs passions. Tout s’enchaîne, s’accélère et dévale les dernières minutes.
Le vocabulaire est simple (on sait qu’il est même assez restreint) mais les nuances de sens sont riches et puissantes. Les alexandrins font image, dépeignent les passions amoureuses et meurtrières et les hésitations du cœur. Pas de didascalies, sans doute pas besoin de décor, est-il nécessaire aux acteurs de gesticuler ? La parole suffit, juste de la parole pour faire avancer l’action et créer du théâtre.


Andromaque
Dois-je les oublier, s’il ne s’en souvient plus ?
Dois-je oublier Hector privé de funérailles,
Et traîné sans honneur autour de nos murailles ?
Dois-je oublier son père à mes pieds renversé,
Ensanglantant l’autel qu’il tenait embrassé ?
Songe, songe, Céphise, à cette nuit cruelle
Qui fut pour tout un peuple une nuit éternelle.
Figure-toi Pyrrhus, les yeux étincelants,
Entrant à la lueur de nos palais brûlants,
Sur tous mes frères morts se faisant un passage,
Et de sang tout couvert échauffant le carnage.
Songe aux cris des vainqueurs, songe aux cris des mourants,
Dans la flamme étouffés, sous le fer expirants.


La Douleur et les regrets d'Andromaque sur le corps d'Hector son mari. C'est avec ce tableau, qui rend hommage à l'art de Poussin, que David est entré à l'Académie Royale de Peinture en 1783. À voir au Louvre.

6 commentaires:

grillon a dit…

Ce vibrant hommage à Racine me donne envie de lire ( ou relire, je ne sais plus ! ) cette pièce. On reconnaît bien là une fidèle de Proust , car il était fou de Racine !
Bonne journée !

nathalie a dit…

J'avoue avoir été surprise moi-même de mon plaisir de lecture. Je ne m'attendais pas à autant de force et d'efficacité narrative, quelque chose d'aussi prenant.

Les Femmes du Panier a dit…

Je l'ai vue récemment dans une belle et sobre mise en scène par un très jeune metteur en scène (23 ans!) avec des comédiens du même âge (dont ma belle fille Hélène en Hermione!!!) - l'amour passion destructrice et désespérante...

Marie-Neige a dit…

Ha ce tableau, souvenir du siècle dernier, lorsqu'en première année d'histoire de l'Art dans un amphi sombre et surpeuplé, M Jasmin (pour ne pas le citer) demanda si parmi l'assemblée d'incultes ici rénuis quelqu'un connaissait le nom du fils d'Andromaque. Je n'ai pas pu me retenir de crier "Astyanax !". Si tu le croises, ne le salue surtout pas de ma part ;)

nathalie a dit…

Je le croise souvent mais il ne doit pas se rappeler. Je te conseille de lire Uranus de Marcel Aymé, la vision par un bistrotier de Racine et d'Andromaque est à la fois drôle et touchante.

madimado a dit…

Je suis tombée amoureuse de Racine en lisant Andromaque, une passion qui ne s'est pas démantie depuis.