La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



lundi 30 mai 2011

Un vent qui faisait hurler les bambous comme des chats en chaleur et chassait vers le sud les énormes nuages, qui dérivaient lentement dans le ciel comme la flotte d’invasion extraterrestre de Xylon IV.

Mischa Berlinski, Le Crime de Martiya Van der Leun, traduit de l’américain par Renaud Morin (2007), Paris, Albin Michel, 2010.

Le narrateur, Mischa, vit en Thaïlande, de petits boulots pas très intéressants, quand il tombe sur une étrange histoire. Une néerlandaise, Martiya Van der Leun, morte dans les prisons thaïlandaises, après avoir été condamnée pour meurtre. Elle laisse un long mémoire d’anthropologie sur la condition carcérale des femmes, qu’elle souhaite voir publié dans une revue scientifique.
    Qui est-elle ? Que faisait-elle en Thaïlande ? Et surtout, qu’est-ce que c’est que ce meurtre ?
Mischa, un peu désoeuvré, commence à enquêter, envoie des mails et téléphone. Il reconstitue le département d’anthropologie de Berkeley (très exotique, avec ses pontes et ses querelles), qui se poursuit au cœur de la forêt avec les Dyalo (peuplade totalement inventée). Martiya y fait son terrain : essaie d’apprendre la langue (pas facile), de comprendre le pourquoi du comment des coutumes, d’étudier les structures de parenté et la généalogie, le B. A. BA des études ethnologiques, toute seule dans une hutte avec une famille Dyalo (pas facile la cohabitation). Mischa se penche aussi sur la victime du meurtre, David Walker, et sa famille, à peine moins exotique : des missionnaires chrétiens, terriblement angoissés à l’idée que la fin du monde soit si proche et qu’une telle masse de population ne soit pas sauvée parce que personne n’a pris le temps de leur faire connaître la Parole. L’argument choc de la prédication, transmis de père en fils : « Mon garçon ne deviendra jamais aussi grand que moi. C’est dire combien le Jour du Jugement est proche ! » Mischa essaie de comprendre, tous lui paraissent aussi fous les uns que les autres.

C’était un de ces hommes dont le crâne paraît fait pour la calvitie, le genre de crâne qui, dans des circonstances tout à fait différentes, aurait fait une fort jolie calebasse, bien rond, avec un front large, et une voûte suffisamment profonde pour conteni une bonne quantité de vin de palme.



« Terrible, répéta-t-il. Il existe quelques comptes rendus, quelques documents relatifs à la dernière floraison. Mais cette fois ce sera bien pire. Quand le bambou fleurit, il fleurit simultanément, et tous les endroits où pousse Bambusa vulgaris crouleront sous les fleurs. À quoi ressemblent-elles ? Que sentent-elles ? Personne ne le sait. Ce que l’on sait, par contre, c’est que les rats s’en délectent. Le bambou fleurit à la saison chaude, quand toutes les autres plantes meurent, et boum ! les rats vont se gaver, se goinfrer comme des cochons, après quoi ils vont se reproduire, parce que c’est ce que font les rats quand ils ont suffisamment à manger. Et quand les rats se reproduisent, se reproduisent et se reproduisent encore… ça signifie que la famine menace. Et, bien sûr, personne n’est préparé. »
Gilles secoua la tête en pensant à la nature imprévoyante de ses semblables.


C’est un roman sympathique, qui se lit rapidement, au ton joyeux et sans grande prétention. La grande réussite à mon avis est de considérer tous les milieux avec un point de vue d’anthropologue, comme autant d’entités exotiques, avec ses coutumes qu’il s’agit d’étudier avec empathie.

Les photos, pas du tout thaïlandaises, sont de moi.

4 commentaires:

  1. Faire hurler les bambous, voilà une jolie métaphore.

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  2. Il y a pas de choses imagées comme cela, j'avais plutôt envie de mettre des citations courtes, contrairement à mon habitude, avec toutes ces idées.

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  3. J'ai plutôt l'impression que c'est Mischa qui est fou dans tout cela. Mais il a beaucoup d'imagination. Je suis certaine que beaucoup de gens voudraient rêver comme il le fait. Mais alors au final, est-ce qu'il découvre le mystère du meurtre?

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