Romain Gary, Chien
Blanc, Paris, Gallimard, 1970.
Un roman
( ?) très difficile car malheureusement tout ce dont il est question est
vrai. En à peine 200 pages Gary raconte l’année 1968. Il est aux États-Unis
avec sa femme Jean Seberg, à Beverly Hills. La lutte pour la reconnaissance des
droits des noirs américains fait rage et Gary détaille la médiocrité et les
faiblesses de chacun. Des blancs racistes. Des blancs qui donnent de l’argent
aux associations noires mais ont peur des noirs. D’une blanche qui prend des
amants noirs. D’un noir qui veut que ses fils fassent le Viêt-nam pour revenir
se battre sur le sol américain. Des blancs qui soulagent leur
mauvaise conscience en faisant des chèques. Des noirs qui soulagent les blancs en empochant les chèques.
De la Bêtise comme dit Gary. En toile de fond, l’histoire de Batka, un berger
allemand recueilli par Gary, qui s’avère être un Chien Blanc, un chien d’attaque dressé pour s’attaquer aux
noirs, dont les yeux peuvent contenir tout le désespoir de ce monde.
Ce texte est magistral.
En cumulant les récits, les portraits, les anecdotes, il nous dit la réalité de
l’asservissement des noirs américains et des innombrables difficultés pour
sortir d’une histoire aussi ancienne. Le narrateur est Gary lui-même, livrant ses réflexions, volontiers provocatrices, acerbes, ironiques, quelquefois
violentes, ce qui fait que le livre se lit rapidement tout en laissant en bouche un
arrière-goût pénible.
Vous êtes
tous les trois juifs d’Europe de l’Est, et même si l’un de vous est arrivé à
temps pour naître aux Etats-Unis, vos pères et grands-pères pourrissaient
encore dans les ghettos entre deux pogroms, alors que l’esclavage n’existait
déjà plus aux Etats-Unis. Seulement, quand vous dites « nous autres, esclavagistes américains », ça vous fait jouir,
parce que ça vous donne l’impression d’être des Américains à part entière. Vous
vous donnez l’illusion que vos ancêtres étaient esclavagistes (…) car cela vous
fait sentir à quel point vous êtes assimilés.
Une première pierre au Challenge Romain Gary lancé par Delphine, vous pouvez d'ailleurs lire son avis sur ce livre). Et une lecture commune avec Asphodèle.
J'ai vraiment beaucoup aimé ce livre et nous aurions pu écrire le même billet ! Il m'a remuée comme souvent sait le faite Gary...
RépondreSupprimerMerci, c'est décidément un livre bouleversant.
RépondreSupprimerUn beau billet Nathalie !
RépondreSupprimerMerci Syl. On fait ce qu'on peut.
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