La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 19 janvier 2012

Un livre de voyage est une chimère dont l’imagination doit savoir enfourcher la croupe aérienne.


Honoré de Balzac, Voyage de Paris à Java, 1832.

Un petit texte curieux et potache de Balzac.
Il s’agit d’une lettre – mais on ne comprend qu’à la fin la fin mot de l’histoire et du narrateur – relatant un séjour à Java. Le but est de s’amuser avec la tradition littéraire du récit de voyage en jouant de tous les poncifs du genre. Autre jeu plus ambigu : le voyage en Orient (région fantasmatique  située entre l’Algérie et la Chine) et l’exotisme, mais sur ce plan-là Balzac n’est pas forcément aussi conscient des préjugés en cause. L’ensemble forme un texte plutôt savoureux, souvent à double entente, doucement érotique.
Le récit du voyage et ses péripéties ; les mœurs des indigènes ; les femmes, surtout les femmes, la javanaise a des talents inconnus aux occidentales (pages censurées en 1832). La faune et un certain oiseau qui joue sa musique, la flore surtout vénéneuse, fascinante, fatale (lisez entre les lignes S. V. P.).

Vous revenez à la fleur comme le bengali à sa rose ; vous la respirez par de longues aspirations sans vous en lasser… Elle est inépuisable de ses brises parfumées qu’elle varie sans jamais vous en fatiguer. Il y a de la femme dans les soupirs de sa touffe. Vous diriez une tendre maîtresse près de laquelle vous causez, le soir, voluptueusement. Odeurs humides !... Créations désespérantes !... Et quelle jolie création !... Son tissu épais et velouté comme celui des camélias a les couleurs douces de l’abricotier.

Trois marionnettes de l'île de Java,
vers 1960, Dresde, Staatliche Kunstsammlungen, image RMN.

Balzac s’amuse, plaisante, a-t-il mis les pieds à Java ou non ? ou l’air de la Touraine, des rêveries au coin du feu, les imaginations enfiévrées ne nourrissent-ils pas ce roman ?
Pas une immense création mais quelque chose qui se lit doucement, dont on feuillette et relit les pages pour repérer les jeux et allusions. Une récréation.


Une troisième participation au Challenge Balzac de Marie - je me suis engagée à lire 6 titres mais il va falloir que je vérifie un peu - et une Lecture commune avec la dite Marie (et peut-être d'autres à rajouter ?).





6 commentaires:

Marie a dit…

Non, il n'y avait que nous deux! Moi aussi je me suis bien amusée en le lisant.

grillon a dit…

Hahah ! Mon imagination a bien envie d'enfourcher ce texte-là ! Merci !

Aymeline a dit…

j'ai du mal avec Balzac d'habitude mais ce texte me tente davantage :)

nathalie a dit…

Grillon et Aymeline : pis il est très court, pas du tout balzacien pour deux sous, alors...

Alex Mot-à-Mots a dit…

J'aime beaucoup ta phrase de titre.

nathalie a dit…

Alex : c'est une phrase de Balzac, issue de ce texte. Je l'ai tronquée, la voici en entier : "Un livre de voyage est une chimère dont l'imagination doit savoir enfourcher la croupe aérienne, et si l'esprit du lecteur n'est pas assez clairvoyant pour deviner les pays sur échantillon, les sauts et les bonds de cette narration particulière ne lui conviennent pas plus que les bottes ne vont aux puces." Voilà ! C'est donc au lecteur de suivre et de lire entre les lignes et d'être à la hauteur...