La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 1 mai 2012

Big Lannie faisait son travail à la perfection et il arrivait même qu’elle en reçût des compliments.


Dorothy Parker, La Vie à deux, traduit de l’américain par Benoîte Groult, Paris, Denoël, 1960 sous le titre Comme ils sont, lu en 10/18, 1983. Rassemble des textes parus dans des revues, rassemblés en un seul livre paru à New York, en 1944.

Ces nouvelles se déroulent dans les grandes villes américaines et mettent en scène des couples, des individus en proie à la solitude et à l’impossibilité de communiquer. Par exemple Quel dommage ! met en scène un couple marié depuis 7 ans qui n’a absolument plus rien à se dire et qui divorce, à la grande stupeur de leurs amis.
Il est un peu difficile de parler car l’art très particulier de Parker se situe dans une véritable manipulation de la langue, très habile et intelligente. Plusieurs nouvelles sont des monologues ou des dialogues où l’un des personnages monopolise la parole et où les silences de l’autre dissimulent un désaccord ou un désarroi profond.
Femmes mièvres, naïves, s’accrochant à un « chéri » absent. Épouses seules, aux journées vides, pour qui seules comptent les bonnes manières. Les hommes aiment être aimés mais se débarrassent des « soucis » d’un claquement de doigt. Meilleures amies se préoccupant peu du réconfort de l’autre. Les êtres ne se connaissent pas, ne se comprennent pas.
L’écriture est extrêmement moderne, efficace et cruelle. Cela pourrait être des pièces de théâtre, dégraissées. Cette langue fait toute la place aux sous-entendus, aux regards pleins de bienveillance et de certitude, de froideur et arrogance.
C’est une société sexiste où les femmes « comme il faut » passent leur journée à attendre leur mari au retour de leur travail, c’est aussi une société raciste : lors d’une soirée une dame demande à être présentée à un chanteur noir et ne peut s’empêcher de penser à son mari, qui n’a pas du tout sa supposée largeur de vue : « Ah ! la tête qu’il va faire quand je lui dirai que j’ai vu Walter Williams et que je l’ai appelé « monsieur » ! »

Dorothy Parker. Image Wikipedia. 
Mme Ernest Weldon errait çà et là dans son impeccable living-room, cherchant désespérément à lui imprimer une personnalité grâce à ces fameux « petits riens » qui font, dit-on, la réputation d’une femme d’intérieur. Elle n’était pas particulièrement douée dans le domaine des « petits riens », l’idée pourtant lui paraissait séduisante. Avant son mariage, elle s’était souvent imaginée parcourant avec grâce son logis, déplaçant un vase ou redressant une fleur, et de « petit rien » en « petit rien », transformant sa main en un home.

Ce livre brillant m’a été fort gentiment prêté par Asphodèle. Merci ! En outre, cela me permet d'ajouter une participer à son challenge Fitzgerald et les enfants du jazz.


2 commentaires:

Asphodèle a dit…

Et comment je vais faire mon billet après le tien ? Il est juste parfait et rend bien l'esprit des nouvelles et de son auteure... Il va falloir que je me penche sur sa biblio pour en lire d'autres... Je rajoute ton lien sur la page du challenge !^^

nathalie a dit…

Je te fais confiance, va ! C'est une écriture manipulatrice, qui joue sur l'intelligence du lecteur. Une femme redoutable !