La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mercredi 19 septembre 2012

Et bien qu’il n’en comprît pas la nature, il y avait en elle un je-ne-sais-quoi d’indéfinissable qui fascinait intensément l’enfant.


 Dino Buzzati, Le K, nouvelles traduites de l’italien par Jacqueline Remillet, 1e éd. 1966, Paris, Robert Laffont, 1967.

Un recueil de nouvelles très courtes, pour lesquelles il est un peu difficile de faire un billet unifié. Le héros, ou le narrateur, est souvent proche de l’auteur, journaliste vivant à Milan, répondant au nom de Dino. C’est un monde de la guerre froide, à l’architecture glaçante, où les hommes importants sont petits, où le moindre individu peut être un petit dictateur en puissance. L’ironie n’est ni douce ni tendre, elle est désabusée et triste. Plusieurs histoires mettent en scène le récit d’une tromperie qui se retourne contre leur auteur (dirigeants politiques et économiques, diable et dieu, ami d’enfance…). Les meilleurs se trouvent pris par une passion soudaine : une voiture, une maison, la solitude.. Le fantastique est présent, discret ou non, les objets sont vivants et trahissent l’état d’esprit de celui qui les possèdent.

C’était une merveilleuse matinée ensoleillée, c’était un crépuscule orageux, c’était une tiède nuit éclairée par la lune, c’était un glacial après-midi de tempête, c’était une aube de cristal très pure, c’était seulement l’heure rare et merveilleuse de la victoire que peu d’hommes connaissent.

Malgré la variété des nouvelles, la note commune est d’une désespérance poétique et met mal à l’aise, il vaut éviter de les lire avant de dormir. Une cinquantaine de nouvelles très courtes, le malaise que je ressens étant dû à la très grande réussite de l’écriture, fine et subtile.


G. Basilico, Palazzo dei Sindicati, Milano
1985, musée national d'Art moderne, image RMN.

 Il peut se faire qu’à cause de mon fichu caractère je meure solitaire comme un chien au fond d’un vieux corridor désert. Et pourtant une personne ce soir-là butera sur la petite bosse poussée dans son jardin et butera aussi la nuit suivante et chaque fois elle pensera, excusez mon illusion, avec une nuance de regret à un certain type qui s’appelait Dino Buzzati.

Une étape du viaggio.

7 commentaires:

Eeguab a dit…

Attention lire Buzzati peut conduire à être durablement bouleversé.C'est mon cas depuis 30 ans.A mon sens c'est l'auteur que je préfère,toutes époques et genres confondus.

nathalie a dit…

C'est tout à fait cela. En réalité, j'avais déjà essayé de lire ce recueil et j'avais arrêté, je trouvais ça trop triste et angoissant. J'ai tenu bon cette fois mais en le lisant lentement, intercalé avec d'autres lectures. Ce qui est une preuve de la réussite de l'écriture.

Catherine a dit…

Je l'ai lu il y a très longtemps et... je ne me rappelle plus du contenu !

Asphodèle a dit…

Cet auteur m'avait scotchée avec un simple livre Jeunesse (Le chien qui a vu Dieu) et honte à moi je n'ai pas poursuivi ma découverte. Si en plus Eeguab en dit du bien, je vais me pencher sur la question dès que possible, si j'avais lu ton billet hier, je suis allée en librairie, j'aurais regardé cela de plus près ! En même temps je n'avais pas mon carnet mais je m'en serais rappelé...

Anonyme a dit…

j'aime Dino Buzzati .... j'ai lu "Le Désert des Tartares" et "Un Amour", son dernier roman ....
tiens, ça me donne une idée, je vais les relire :)
Evelyne

Anonyme a dit…

t'es-tu essayée à lire Alberto Moravia ? moi j'aime beaucoup
Evelyne

nathalie a dit…

Cath : comme quoi, il ne laisse pas toujours le même souvenir impérissable.
Asphodèle : moi je compte continuer, j'ai encore du stock !
Evelyne : je ne connais pas encore Moravia mais il ne perd rien pour attendre.