La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



lundi 15 juin 2015

Il tourna le visage vers elle, et elle pénétra un instant dans le bleu éclatant de ses yeux.

Francis Scott Fitzgerald, Tendre est la nuit, traduit de l’américain par Jacques Tournier, 1934.

Un bon gros roman qui nous plonge dans les affres de quelques riches américains vivant en Europe.
Au début, nous suivons Rosemary, jeune actrice de 17 ans, et sa mère sur la plage, pas très loin de Cannes. Elle rencontre un couple, Nicole et Dick, et tombe amoureuse de ce dernier. Sa mère estime que c’est une bonne chose – pour lui apprendre la vie. Après quelques semaines de fêtes parisiennes, le récit s’attache dorénavant à Dick et à l’histoire qui le lie à Nicole. Il est psychiatre, elle a été sa malade, elle est immensément riche, pas lui. Il est le mari et le médecin, mais il est plus fragile qu’il ne le croit.
C’est un roman très riche, en partie parce que le récit effectue des allers et retours entre les personnages. Il ne s’agit pas d’un roman choral, mais d’un changement de point de vue, qui trouble la perception du lecteur. Dick est-il réellement si brillant ? Rosemary passionnément amoureuse ou froide ? La narration se déroulant sur plusieurs années, le roman délivre quelques flashs sur des moments bien différents.

On reconnaît dans ce roman plusieurs inspirations autobiographiques, mais il est difficile de se prononcer. La maladie mentale de Nicole et son séjour dans diverses cliniques suisses est peut-être un écho de la schizophrénie de Zelda, mais les dernières pages du livre lui rendent toute sa liberté et sa beauté. Nicole sort de la maladie et du couple qu’elle formait avec Dick, pour établir une autre relation, devenir autonome, ne plus être l’ombre d’un mari. On ne peut s’empêcher de penser que Fitzgerald laisse ainsi la porte ouverte à la guérison. Et si Dick, le si solaire, si charmant, si merveilleux, est un autoportrait idéalisé et agaçant de l’auteur, la peinture de sa déchéance à cause de l’alcool est tout ce qu’il y a de plus lucide.

La conscience de Dick s’était en grande partie formée grâce aux images clinquantes de son enfance. Il était pourtant parvenu, à travers ce faux luxe et cet éclat trompeur, à alimenter le brasier douloureux et secret de son intelligence.

Une mention pour la mère de Rosemary, à l’esprit pratique bien rodé.
Velasco, Adam et Ève, 1932,  Madrid Reina Sofia, M&M
Le roman dresse aussi le portrait d’une certaine classe sociale, ces très riches, notamment américains, venus soigner leur alcoolisme, ennui, dépression et même homosexualité, considérée comme une maladie, en Suisse, sur la Riviera, à Rome, à Paris, dans le champagne et les alcools, avec quelques altercations avec les forces de police locales. Ce sont des populations hors sol, vaines – et je me mélange entre tous ces gens.
De ce livre se dégage un double sentiment de solitude et de mélancolie.

Elle marchait comme une danseuse, en reposant à peine sur les hanches et en cambrant légèrement les reins. La lumière était si violente qu’elle crut se heurter à son ombre, et recula – elle était éblouie. À cinquante mètres en contrebas, la Méditerranée perdait par instants ses couleurs devant les assauts d’un soleil implacable.

L'avis de Galéa. Participation au challenge "Fitzgerald et les enfants du jazz" d'Asphodèle, repris par Sharon.



6 commentaires:

Alex Mot-à-Mots a dit…

UN écrivain qu'il faudrait que je relise.

nathalie a dit…

Je pense en effet que je relirai certains de ses romans plus tard.

Arieste a dit…

J'avais beaucoup aimé ce roman, il est rare de lire sur une telle vision du couple :)

nathalie a dit…

Oui c'est vrai.

claudialucia a dit…

J'ai du mal avec cet écrivain à cause des milieux qu'il dépeint et qui ne m'intéresse pas voir qui m'irrite!

nathalie a dit…

Ah je comprends tout à fait cette réaction. Cet univers est imbuvable (et pourtant ça picole).