La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



vendredi 31 juillet 2015

Je prie, simplement au cas où.

Anjana Appachana, Mes seuls dieux, traduit de l’anglais par Alain Porte, paru en 1992 en Angleterre, publié France chez Zulma.

Ces huit nouvelles nous plonge avec finesse et talent dans l’Inde d’aujourd’hui.
Plusieurs sont d’un point de vue de jeunes femmes ou de mères de jeunes femmes et sont centrées sur le moment où la vie féminine bascule : le mariage. La première, peut-être la plus difficile, est le long récit de la désillusion et de l’asservissement d’une jeune mariée par sa belle-famille, sans que le charmant mari ne lève le petit doigt. La lourdeur et l’immobilisme de la société sont parfaitement décrits et font froid dans le dos. L’héroïne est prise dans un engrenage mortifère malgré toute son éducation et ses principes. Le destin des femmes et particulièrement des femmes mariées apparaît particulièrement difficile. Dans chaque famille règnent le silence et les non-dits et c’est le jugement de la communauté (familles, voisins, amis) qui décide en partie de la vie des communautés.

D’autres nouvelles sont heureusement plus légères : une petite fille se rappelle son enfance et l’amour jaloux avec lequel elle couvait sa mère, une mère raconte la rencontre de sa fille et de son futur gendre qui se jouent des croyances et des superstitions. Deux autres nouvelles ont pour héros Sharmaji, un feignant tenant bon dans une grande entreprise où il boit du thé et entretient de bonnes relations avec tout le monde, tout en se plaignant d’être toujours dérangé.

B. Brake, Premières pluies de la mousson, 1989,
Centre Pompidou, image RMN.
Des habitudes, une culture, des plats, des conventions, j’ai découvert tout cela dans ce recueil qui donne un portrait composite des familles indiennes. La relation compliquée avec l’Angleterre est évoquée, ainsi que les différences entre les générations, la place des dieux dans la vie des individus. Le ton est souvent doux amer, avec des touches pleines d’humour et de subtilité, de regret et de mélancolie.

Oui, ma mère connaissait Dieu. Ils étaient en relation permanente. Quand je mentais, elle plongeait ses yeux dans les miens, puis déclarait, tu mens. Abattue, je disais, tu le sais ? Et elle répondait, Dieu me l’a dit. Dieu lui disait tout. Quand je disais la vérité, Il lui disait que c’était la vérité. J’étais sûre que ma mère était de mèche avec les dieux dans la chambre de mes grands-parents, où s’affichaient leurs photographies et leurs statuettes. Faisaient-ils tous bloc avec elle – le Seigneur Ram, le Seigneur Krishna, le Seigneur Shiva, le Seigneur Venkateshvara, la Déesse Parvati, la Déesse Sarasvati, la Déesse Lakshmi ?




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