Mia Couto, Le dernier vol du flamant, traduit du portugais (Mozambique) par
Elizabeth Monteiro Rodrigues, édition originale 1987, publié en France aux
éditions Chandeigne.
Cela fait des années que j’avais
repéré Mia Couto (un de ses romans trône d’ailleurs depuis longtemps dans ma
bibliothèque) et je suis ravie de l’avoir enfin découvert.
Dans un village imaginaire, on
découvre un pénis sur un chemin. Effroi et embarras des autorités locales,
d’autant que plusieurs soldats des Nations Unis ont récemment explosé et qu’une
enquête officielle s’annonce. Appelée en renfort, la prostituée du village est
formelle : il ne s’agit pas d’un homme du village.
La journée entière un cercle curieux mijota des rumeurs. On véhicabulait des doutes, on décochait des ordres :
- Que quelqu’un ramasse… la chose, avant qu’elle ne soit déchiquetée.
- Déchiquetée ou déchi-queue-tée ?
- Le pauvre type est devenu boiteux du centre !
La cohue-bohu bouillonnait, bazarinant.
F. Ziem, Flamants roses, étang de Vaccarès vers 1890, Paris, Petit Palais, M&M. |
Un fonctionnaire italien de l’ONU va donc résider au village, le temps de son enquête. Le narrateur est chargé de l’aider / de l’espionner. Le pauvre italien rencontre le sorcier, une femme à la fois vieille et jeune, un prêtre fou, un administrateur corrompu… Il navigue entre la corruption et la manipulation des programmes de déminage qui ont suivi la guerre, entre les sorts jetés par le sorcier sur les hommes de l’ONU, entre les légendes de fin du monde… Tout n’est pas compréhensible dans ce roman, car tout n’est pas rationnel. Le mythe peut devenir réalité et s’intercaler entre les réalités les plus sordides.
Et le flamant rose ? Il
apparaît dans des histoires racontées par la mère et le père du narrateur.
La magie est présente dans chaque
moment de la vie, de la naissance à la mort. Cela n’empêche pas que le roman
soit ancré dans son temps : le pays (jamais cité, mais de langue
portugaise) a vécu la colonisation des Blancs, une guerre, une révolution,
l’occupation de l’ONU… les récits du sorcier parviennent à se croiser avec
cette histoire contemporaine et dresse le portrait d’un pays en déréliction qui
cherche son identité.
La langue est magnifique (chapeau
à la traductrice). Des mots nouveaux apparaissent comme le désévénement. Même
si je n’ai pas tout compris des allusions et des beautés du texte, j’ai
apprécié ce roman, qui ressemble à une poésie ou une chanson. C’est un autre
monde, le tout avec des accents de saudade et d’irrésistible mélancolie.
Pour toi mon fils, toi qui as
étudié à l’école, le sol est une feuille, tout s’y écrit. Pour nous, la terre
est une bouche, l’âme d’un coquillage. Le temps, c’est un escargot qui enroule
sa conche. En y appuyant notre oreille, nous entendons le commencement, lorsque
tout était autrefois.
Comme toi j'aimerais découvrir cette auteure ! peut être avec celui ci...
RépondreSupprimerJe n'ai plus qu'à lire son roman qui attend depuis des années sur l'étagère...
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