La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mercredi 7 octobre 2015

La vie, cher monsieur, est un doux baiser sur une bouche amère.

Mia Couto, Le dernier vol du flamant, traduit du portugais (Mozambique) par Elizabeth Monteiro Rodrigues, édition originale 1987, publié en France aux éditions Chandeigne.

Cela fait des années que j’avais repéré Mia Couto (un de ses romans trône d’ailleurs depuis longtemps dans ma bibliothèque) et je suis ravie de l’avoir enfin découvert.

Dans un village imaginaire, on découvre un pénis sur un chemin. Effroi et embarras des autorités locales, d’autant que plusieurs soldats des Nations Unis ont récemment explosé et qu’une enquête officielle s’annonce. Appelée en renfort, la prostituée du village est formelle : il ne s’agit pas d’un homme du village.

La journée entière un cercle curieux mijota des rumeurs. On véhicabulait des doutes, on décochait des ordres : 
- Que quelqu’un ramasse… la chose, avant qu’elle ne soit déchiquetée.
- Déchiquetée ou déchi-queue-tée ?
- Le pauvre type est devenu boiteux du centre !
La cohue-bohu bouillonnait, bazarinant.
F. Ziem, Flamants roses, étang de Vaccarès
vers 1890, Paris, Petit Palais, M&M.

Un fonctionnaire italien de l’ONU va donc résider au village, le temps de son enquête. Le narrateur est chargé de l’aider / de l’espionner. Le pauvre italien rencontre le sorcier, une femme à la fois vieille et jeune, un prêtre fou, un administrateur corrompu… Il navigue entre la corruption et la manipulation des programmes de déminage qui ont suivi la guerre, entre les sorts jetés par le sorcier sur les hommes de l’ONU, entre les légendes de fin du monde… Tout n’est pas compréhensible dans ce roman, car tout n’est pas rationnel. Le mythe peut devenir réalité et s’intercaler entre les réalités les plus sordides.
Et le flamant rose ? Il apparaît dans des histoires racontées par la mère et le père du narrateur.
La magie est présente dans chaque moment de la vie, de la naissance à la mort. Cela n’empêche pas que le roman soit ancré dans son temps : le pays (jamais cité, mais de langue portugaise) a vécu la colonisation des Blancs, une guerre, une révolution, l’occupation de l’ONU… les récits du sorcier parviennent à se croiser avec cette histoire contemporaine et dresse le portrait d’un pays en déréliction qui cherche son identité.

La langue est magnifique (chapeau à la traductrice). Des mots nouveaux apparaissent comme le désévénement. Même si je n’ai pas tout compris des allusions et des beautés du texte, j’ai apprécié ce roman, qui ressemble à une poésie ou une chanson. C’est un autre monde, le tout avec des accents de saudade et d’irrésistible mélancolie.

Pour toi mon fils, toi qui as étudié à l’école, le sol est une feuille, tout s’y écrit. Pour nous, la terre est une bouche, l’âme d’un coquillage. Le temps, c’est un escargot qui enroule sa conche. En y appuyant notre oreille, nous entendons le commencement, lorsque tout était autrefois.


Merci à Babelio et aux éditions Chandeigne pour cette belle lecture !

2 commentaires:

Hélène a dit…

Comme toi j'aimerais découvrir cette auteure ! peut être avec celui ci...

nathalie a dit…

Je n'ai plus qu'à lire son roman qui attend depuis des années sur l'étagère...