Michel Winock, Gustave Flaubert, 2013, Gallimard.
Mon tour de l’œuvre du grand
Gustave s’achève par la lecture de cette biographie. Michel Winock est
historien, spécialiste d’histoire politique et sociale et surtout de l’histoire
des intellectuels au XIXe siècle. Lire cette biographie, c’est se
plonger dans une époque. Car, contrairement à beaucoup de gens, je n’ai pas de
goût pour les biographies romantiques, j’aime les notes de bas de page et les
archives – on n’oublie pas si facilement ses années de thèse.
Bref, je ne vais pas vous
raconter la vie de Flaubert, mais simplement parler de quelques faits
saillants.
J’ai d’abord apprécié de
connaître la chronologie d’écriture des grands romans : Flaubert a mis
tellement de temps à les écrire, que je ne savais plus très bien quel était
leur ordre et leur progression. Winock, grâce à la citation de correspondances,
explique très bien la démarche d’un auteur tendu entre sa culture
irrémédiablement romantique, qui le pousse à écrire des flots de mots, et sa
volonté du mot juste et de l’art qui le contraint à couper, à élaguer
drastiquement. De nombreux textes semblent ainsi un combat entre ces deux
pôles. Bien sûr, Winock fait partie de ces historiens qui évitent au maximum
d’exprimer tout jugement de valeur ou esthétique sur les œuvres et cette
attitude est source d’insatisfaction.
Comme souvent à la lecture d’une
biographie, j’apprécie de voir replacé un auteur parmi ses contemporains :
le rapport compliqué à Hugo, les hésitations de Sainte-Beuve, les frères
Goncourt à double face, la très belle amitié avec George Sand, l’amitié avec
Tourgueniev qui lui fait découvrir la littérature russe. Plus généralement, le
rapport qu’entretien Flaubert avec ses contemporains est complexe. Il n’aime
pas son temps, mais en est un très bon représentant. Winock montre l’écrivain
célèbre se rendant dans les cafés et les restaurants à la mode, portant une
grande attention aux jeunes auteurs.
E. Giraud, Gustave Flaubert, 1860, BNF, RMN. |
Et l’ermite de Croisset ? Ce
sont sans doute les pages où Winock est le plus intéressant. Ces pages font
aussi curieusement écho à l’actualité. Flaubert n’aime pas son époque, trouve
les hommes politiques médiocres, se plaint de la bêtise universelle, mais
refuse le combat et trouve refuge dans les livres et l’écriture. La tentation
du bonheur individuel et la volonté de tracer sa propre voie à l’écart du monde
conduisent à Flaubert à ne pas toujours bien comprendre son temps. Flaubert est
un ennemi de la culture de masse et entretient un rapport ambigu au public. Le
XIXe siècle est un siècle de transformation du lectorat, de
l’édition, avec une extension du public, alors que les artistes se considèrent
encore comme des aristocrates. Winock cite souvent à ce propos avec beaucoup de
justesse Tocqueville et son analyse de la société démocratique.
Plus généralement, cette
biographie permet d’en savoir plus sur la boulimie de savoir, le mélange de
grivoiserie et de pudeur, sur la riche personnalité de Louise Colet et sur
beaucoup d’autres choses.
Maxime Du Camp : « Il
était d’une beauté héroïque. (…) Avec sa peau blanche, légèrement rosée sur les
joues, ses longs cheveux fins et flottants, sa haute stature large des épaules,
sa barbe abondante et d’un blond doré, ses yeux énormes, couleur vert de mer,
abrités sous des sourcils noirs, avec sa voix retentissante comme un son de
trompette, ses gestes excessifs et son rire éclatant, il ressemblait aux jeunes
chefs gaulois qui luttèrent contre les armées romaines. »
Flaubert sur le blog :
Madame Bovary que j’aime beaucoup, notamment pour la langue.
L’Éducation sentimentale que j’aime beaucoup aussi même si certains
passages sont d’un ennui mortel et que les analyses politiques m’échappent un
peu. Un livre à l'incroyable ironie (Winock montre bien que cette ironie a d'ailleurs gêné les lecteurs contemporains).
Nous allions à l'aventure, par les champs et par les grèves (le voyage en Bretagne) que j'adore.
Salammbô que je n'aime pas tellement mais dont j'ai noté plein de citations.
Trois contes : Un coeur simple plein d'affection pour son sujet, La Légende de saint Julien l'Hospitalier qui ne me plaît pas et le très bizarre Hérodias.
La Tentation de saint Antoine : texte savant et théâtral,
invraisemblable.
Voyage en Orient : pas évident à lire, mais certains passages
sont magnifiques.
Notes d'un voyage en Provence et en Italie qui vaut comme une curiosité et qui nous en dit beaucoup sur l'homme.
Traumatisée par "L'éducation sentimentale" que j'ai étudié 3 ans de suite pendant mes études littéraires.
RépondreSupprimer"Salaambô" et "Madame Bovary", deux morceaux de choix !
Je n'aime pas les biographies d'auteur, ça m'ennuie mortellement !
En ce qui concerne les biographies, c'est assez variable, selon les personnalités et le talent des biographeurs. Il y a quelques années, je n'en lisais aucune, je ne voyais pas l'intérêt, mais à présent certaines me font envie... indécrottable goût pour l'histoire.
SupprimerPas fan de biographie non plus. Je préfère généralement les oeuvres des auteurs à leur vie.
RépondreSupprimerC'est également mon cas en général, mais il y a quelques exceptions.
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