La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 24 mars 2016

Ton heure est venue et ton harpon est prêt !

Herman Melville, Moby Dick, traduit de l'américain par Henriette Guex-Rolle (merci à Wikipedia pour cette précision, parce qu'encore un ebook gratuit sans nom de traducteur), parution originale en 1851.

Un roman mythique.

J'ai longtemps rechigné à lire Moby Dick – une histoire de chasse à la baleine, très peu pour moi. Ma visite du musée de Trois-Pistolesqui évoque la longue histoire des baleiniers m'a donné envie de m'y mettre. Heureusement, car c’est bien plus que cela.

Ces jours chauds, nuancés de fraîcheur, clairs, vibrants, odorants, débordants, généreux étaient pareils à un sorbet persan emplissant jusqu'au bord une coupe de cristal des flocons d'une neige à la rose.

Nous suivons le récit d'un voyage d'un navire baleinier, dirigé par le capitaine Achab qui veut seulement tuer la baleine blanche. Le point fort du roman est son narrateur, Ismaël, à la fois érudit, un peu fou, un peu mystique, conscient de raconter une histoire impossible. Plus qu'une histoire d'une chasse, c'est toute la mythologie des baleines qui nous est présentée au fil des pages. Ismaël prétend à plusieurs reprises vouloir être exact, précis et exhaustif, mais en réalité il dresse un portrait fantasmé, hérité de siècles de légendes et d'explorations vaguement scientifiques, d'un animal dont Moby Dick est la superbe incarnation, irréelle et monstrueuse à la fois.


Mais j'ai traversé à la nage les bibliothèques et fait voile sur les océans. J'ai eu affaire avec les baleines avec les mains que voici, je suis sincère, et je vais me risquer. Il y a toutefois quelques préliminaires à établir.

Ma lecture est documentée par celle du journal du capitaine Fuller qui décrit assez bien le mode de vie sur ce type de navire. Les 700 pages du roman ne s'expliquent pas par la survenue de péripéties qui ralentiraient le dénouement, mais par la logorrhée d'Ismaël qui présente les différentes espèces de baleines, les techniques de chasse, la façon de découper la bête, en passant par l’astrologie, la lutte du bien contre la mail, la folie, l’orgueil, etc.

Achat se tenait à l'écart, longuement dans un silence enchanté ; chaque fois que le navire enfonçait son beaupré dans les profondeurs, il se tournait pour regarder, à l'avant, flamboyer les rayons du soleil, et chaque fois que le vaisseau plongeait lourdement de l'arrière, il se retournait pour voir l'emplacement de l'astre dont les rayons jaunes se fondaient dans son sillage implacable.
La spécificité du roman est aussi sa langue, excessive, hyperbolique – tout l'équipage parle comme dans un grand roman épique. Les personnages sont tous plus grands que nature à quelque que titre que ce soit. C’est très beau.

Ce n'est pas facile à lire, mais c'est une expérience de lecture. Ce roman nécessitera certainement une relecture, car il contient beaucoup de symboles, de présages et de mystères.

Quant aux enseignes qui se balancent dans les rues devant les portes des marchands d'huile qu'en dire ? Les baleines y ressemblent à Richard III, sont bossues comme des dromadaires, ont un air féroce, et déjeunent d'une tarte de matelots, c'est-à-dire d'une baleinière avec tout son équipage, croquent deux ou trois hommes et, difformes, barbotent dans des mers de sang et de peinture bleue.

Le saviez-vous ? Ahab est aussi le nom d'un groupe de musique metal et voici le lien pour un extrait musical.

12 commentaires:

  1. J'ai envie de lire ce livre depuis des années et encore plus depuis quelques mois, après avoir vu le film "Au coeur de l'océan", et depuis quelques semaines, après avoir lu "Les vies multiples de Jeremiah Reynolds" de Christian Garcin : c'est peut-être l'histoire de cet homme qui aurait inspiré le roman de Melville !!

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    1. Ah oui, j'ai lu des trucs là-dessus. Il est gratuit en numérique, ça fait beaucoup moins lourd si cela t'intéresse.

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  2. Depuis des années aussi je tourne autour (et maintenant il n'est plus à la bibli, ça se complique) mais ton billet me donne encore plus envie!

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    1. Ça va, je ne suis pas la seule à me demander longtemps si je dois sauter le pas.

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  3. J'ai lu récemment la Bd de Chabouté adaptée du roman, j'ai adoré !

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    1. Ça doit être beaucoup plus simple en plus, et les dessins ont en effet l'air très beaux.

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  4. J'ai également beaucoup aimé la BD. Le roman me tente de plus en plus.

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  5. Je me suis jetée à l'eau (bon, oui, le jeu de mots est moyen) l'an dernier, et je ne l'ai pas regretté.. cette lecture m'a donné le sentiment d'être parvenue à gravir une montagne dont l'ascension s'est parfois révélée ardue, mais la récompense, au sommet, était inestimable... je crois que ce que j'ai aimé le plus, c'est cette progression de la démence d'Achab et, comme tu l'écris justement, cette dimension épique et mythique à la fois. Et là où je te rejoins aussi, c'est qu'en effet, ce titre mérite sans doute plusieurs lectures avant d'en apprécier la multiplicité des thématiques abordées.

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    1. C'est exactement cela ! Pas facile du tout à lire, mais le panorama une fois en haut vaut le coup !

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  6. Me revoilà! Merci de ton passage.
    A première lecture je reste un poil assommée (en plus, en vO, je suis folle) mais je ne regrette pas cette lecture . Un roman à lire absolument, c'est sûr

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