J’ai récemment passé quelques jours à Tolède. C’est une très belle
ville, un labyrinthe de ruelles (je n’avais jamais vu ça). L’architecture y est
riche : murailles, portes fortifiée, cathédrale, alcazar, monastère, la
ville ne manque de rien. Mais aujourd’hui ce sont trois lieux qui retiennent
mon attention.
Monastère de San Juan de Los Reyes : sont exposées les chaînes retirées aux prisonniers chrétiens après la Reconquista
Au début était l’Hispanie, une terre païenne, avec des dieux
hispaniques et des dieux romains. Quand le christianisme est apparu, religion
orientale parmi d’autres, il a concerné d’abord les membres de l’élite urbaine.
On ignore à partir de quand les premiers juifs se sont installés en Hispanie,
mais on suppose qu’à Tolède ils sont arrivés après 70 et la destruction du
temple de Jérusalem.
En Espagne, les « invasions barbares » ont pris la forme des
Wisigoths qui s’installent à la fin du IVe siècle. À ce moment-là,
l’empire romain adopte officiellement la religion chrétienne. Mais… petite
subtilité. Les Wisigoths proviennent de la région de l’actuelle Roumanie, ils
sont bien chrétiens, mais ariens. L’arianisme (en ce temps-là) est une branche
du christianisme que l’on qualifierait d’hérétique (le désaccord porte sur la
nature du Christ). Disons que ce n’est pas le christianisme de Rome.
Alors ? Nous avons dorénavant une élite wisigothique arienne, une élite
hispano-romaine plutôt chrétienne, un peuple et des esclaves hispano-romains
plutôt chrétiens, même s’il devait rester pas mal de païens, et des juifs.
Il se trouve que Tolède fut la capitale wisigothique. De nombreux vestiges
sont exposés dans un musée. En 589, le roi wisigoth Récarède Ier se
convertit au christianisme de Rome. C’est très habile politiquement puisqu’il
unifie ainsi les élites sociales, militaires, économiques et religieuses. Nos
wisigoths sont pleinement intégrés aux hispano-romains (et les juifs sont donc
un peu isolés) (et il reste quelques ariens) (et des païens peut-être ?).
Mezquita del Cristo de la Luz
Tout cela ne dure guère, car les armées musulmanes débarquent au début
VIIIe siècle. Tolède est prise en 712. Les « gens du livre »,
c’est-à-dire les chrétiens et les juifs ont le statut de dhimmi. Ils sont globalement protégés en échange du versement d’un
tribut. On va dire qu’à ce moment-là les païens ont définitivement disparu et
que les ariens se sont fondus dans la masse chrétienne.
Tolède est reprise aux musulmans en 1085 (notons du côté des troupes
chrétiennes un mercenaire nommé le Cid). On peut supposer que la population
musulmane s’est peu à peu convertie ou s’est exilée. Quant aux juifs, ils
auront un répit (mais avec divers cahots) jusqu’en 1492, date à laquelle ils
sont expulsés d’une Espagne qui se veut intégralement catholique.
Et pourquoi je vous écris une telle tartine ? Parce que si cette
histoire compliquée est pleine de massacres, de conversions forcés, d’exils, de
fuites et de scènes pas vraiment à la gloire de l’humanité, elle a aussi pour
témoins de magnifiques monuments qui sont ce qui m’a le plus plu de Tolède.
Sinagoga del Tránsito
Une synagogue construite en 1357 par un riche juif, Samuel Halevi,
trésorier du roi de Castille. Elle est devenue une église en 1492 et abrite
aujourd’hui un musée sur les séfarades. Le plafond de la salle de prière est
une splendeur. C’est l’art mudéjar. Quand on visite ce lieu, on lève la tête et
on ne dit plus rien.
La Synagogue Santa María La Blanca a été construite en 1180 sur
l’emplacement d’une ancienne mosquée à laquelle elle ressemble étrangement.
Suite à un pogrom et diverses persécutions, elle devient une église entre 1390
et 1410. Ces cinq nefs aux colonnes blanches, aux chapiteaux sculptés sont
pleines d’une grâce particulière. L’édifice semble immense !
La Mezquita (= mosquée) del Cristo de la Luz. Les colonnes proviennent
d’un temple wisigothique. La mosquée date de 999. C’est un plan carré avec neuf
petites coupoles – toutes différentes les unes des autres. Elle est devenue une
chapelle chrétienne en 1187 et une abside y a été ajoutée. Elle est aussi le
lieu d’un miracle accompli par le cheval du Cid pendant la Reconquista !
C’est surtout un endroit à la lumière extraordinaire, plein de sérénité et de
beauté.
Synagogue Santa María de la Blanca
Excellents souvenirs de Tolède que je n'ai pas oubliée bien que le voyage remonte à 35 ans
RépondreSupprimerJ'avoue avoir été impressionnée par ce que j'ai vu.
SupprimerMerci pour cette visite par procuration !
RépondreSupprimerMais c'est un plaisir !
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