Rick Bass, Le Journal des cinq saisons, traduit de l’américain par Marc
Amfreville, parution originale 2009.
Un gros livre contemplatif.
Bass se met en tête de raconter
une année dans la vallée du Yaak, un coin perdu – même pour le Montana. Une année,
mois après mois, à décrire les changements de végétation, les comportements des
animaux, sa façon de vivre à lui avec sa famille au contact de cette nature.
Je commence par les bémols. Oui,
c’est long (plus de 600 pages). Certains mois, Bass patauge un peu dans son
marais, d’autant qu’il y a des répétitions en plus des longueurs. En réalité,
je pense qu’il convient de lire ce livre sur un an, mois par mois, dans un
rythme beaucoup plus lent que de l’avaler en une fois. Et puis j’ai été déçue
de ne pas trouver grand-chose sur le comportement des cerfs pendant le rut
(alors que c’est annoncé pendant presque tout le livre).
Mais c’est beau ! Bass est
attentif à toutes les dimensions de son coin de forêt : la géologie et la
composition du sol, les arbres, les fleurs, les herbes, les gros et petits
animaux, de la libellule au grizzly, la chaleur, le vent, la pluie, la neige…
Il raconte aussi la façon de vivre avec cette nature si rude : les
provisions de bois avant l’hiver, ne pas oublier les pneus neige, la provision
de viande pour l’année c’est-à-dire chasser un cerf, les randonnées en ski, les
incendies en été qui ravagent tout mais sont nécessaires à la forêt, la
cueillette des airelles, etc. Il
essaie de transmettre toute cette vie à ses deux filles. Lui-même réfléchit
beaucoup sur cet acte de transmission et d’éducation. Le lecteur ne peut
manquer de s’interroger sur son propre rapport aux saisons et aux mois, même
s’il évolue dans un cadre bien différent. Le livre donne également envie de
s’intéresser de plus près au rythme de ce qui nous entoure, même s’il semble à
première vue bien insignifiant. C’est ainsi que certains moments de l’année
sont plus importants que d’autres parce qu’ils rappellent des événements
passés, un anniversaire, un décès.
Comme un prisonnier, une marionnette ou une brute épaisse totalement dénuée d’imagination, vous traversez janvier en titubant, fasciné par sa beauté, mais manifestement inconscient du coût de l’opération : l’énergie dépensée en janvier ne sera plus disponible en février.
L’auteur remarque que jusqu’au
milieu du XXe siècle aucun être humain n’avait vécu à l’année dans
cette vallée, les Indiens se contentant de venir en été et de repartir vers des
régions plus clémentes en hiver. D’ailleurs de nombreux animaux font le choix
de migrer ou d’hiberner, l’homme contemporain est donc une des rares créatures
à vouloir supporter ce climat terrible en continu (il est un peu fou). Bass
semble d’ailleurs penser que supporter tant d’hivers si rigoureux use
progressivement l’individu. La belle saison est trop courte pour faire naître
et grandir les faons et toute la nature semble ressentir une grande
précipitation à peine les beaux jours arrivés.
J. Kensett, Le Lac George, vers 1860, musée Thyssen Madrid, M&M. |
En mars, on aurait du mal à dire si on assiste à la fin de l’hiver, au début du printemps, ou si on contemple un étrange pays de rêve entre les deux, où certaines choses s’agitent et se soulèvent, tandis que d’autres continuent de flotter dans le sommeil – déjà appelées mais pas encore tout à fait réveillées.
Défenseur de la nature, Bass est
conscient de ses paradoxes et faiblesses : là-bas tout le monde se déplace
en énorme camion (pour ramener du bois, transporter les chiens même quand il y
a un ou deux mètres de neige) et couvre des distances gigantesques sur la route
de façon tout à fait normale.
Il est donc question du comportement
des cerfs qui souffrent de la faim en hiver, des grenouilles et les oies qui
chassent l’hiver à grands cris, des prédateurs qui mangent les faons à peine
nés et les corbeaux qui volent au-dessus des carcasses, de la lutte contre les
incendies et de l’évacuation des maisons, de mettre des airelles dans tous les
plats et de pister un cerf pendant des heures en interprétant les traces dans
la neige – et les péripéties sont nombreuses.
Je le relirai certainement, mais
par morceaux. Du même auteur, rien ne vaut à mon avis Les derniers grizzlys.
merci pour ton lien
RépondreSupprimerJ'ai beaucoup aimé ce livre, plus que les derniers grizzlis pour ma part, et comme tu le dis c'est un livre auquel on peut revenir par petits bouts
Les grizzlys, c'est le 1er livre que j'ai lu de Bass et il m'avait vraiment beaucoup frappée. Il n'y a peut-être plus l'effet de découverte.
SupprimerCe livre me plairait, je pense, pour le thème. Ce qui m'inquiète un peu ce sont les bémols : pas la longueur (j'aime les pavés) mais les longueurs (qui sous-entendent l'ennui) et les répétitions (quand elles sont inutiles).
RépondreSupprimerÀ mon avis c'est un peu tangent dans ce cas, pas nettement affirmé mais le risque existe.
SupprimerA lire...toute description naturaliste m'intéresse, je n'ai aucun scrupule à sauter es longueurs (c'est Pennac qui a permis)
RépondreSupprimerJe pratique l'art de la lecture diagonalesque avec dextérité !
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