La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mercredi 21 juin 2017

Oh ! les oiseaux ! les oiseaux ! quel chef-d'œuvre ! C'est ça qui est toujours en rupture de ban.

Victor Hugo, Mille francs de récompense, 1866.

Une petite pièce bien sympathique.
La première scène s'ouvre sur un drame de la pauvreté : les meubles sont en passe d'être saisis chez Cyprienne et sa mère. En quelques moments, nous apprenons tout : un grand-père ruiné, un père disparu, un riche désireux de s'emparer de la fille, un fiancé. Mais aussi un voleur sorti de nulle part qui va jouer le rôle de la Providence.

Encore une métaphore qui fait le trottoir depuis longtemps.

C'est une pièce très agréable en partie grâce à ce voleur qui donne le ton et l'ambiance : un air de liberté, de fantaisie, une assurance que tout finira bien. Bien sûr le lecteur pense à Jean Valjean, mais il convient de noter que plusieurs pièces de Hugo possèdent un personnage symbole de liberté qui s'insère entre les héros et un pouvoir qui veut les asservir, en l’occurrence les puissances d'argent. Sur ce plan, la pièce rappelle Mangeront-ils ? et son fou pas si fou. Le voleur joue ici le rôle du rouage, de la Providence, du deus ex machina au grand cœur.
T. Couture,  Mme de Brunecke, vers 1870, Bordeaux musée des beaux-arts, M&M.
Le point de départ m'a fait penser aux romans de Balzac, avec ces origines secrètes, ce retournement de fortune, le rôle trouble joué par un huissier et un banquier. L'action se déroule en effet plutôt dans les années 1830, mais contient un hommage vibrant aux années révolutionnaires et à la liberté. En 80 pages, soit une petite heure, Hugo fait tenir un nombre impressionnant de rebondissements et de quiproquos qui font tout le charme de la pièce. Ici le juge et le voleur choisissent de jouer leur voix personnelle, plutôt que l'air qui est attendu d'eux par la société. Nous passons du drame au Carnaval, du suicide aux retrouvailles – la bonté et la cruauté sont au coin de la rue.

- Du reste, rien d'illicite. Notre probité demeure intacte. La stricte observation des lois est le devoir du bon citoyen.
- Comme cela fera bien au Père-Lachaise, l'épitaphe de cet homme-là!  


Lecture commune organisée par Claudia Lucia. L'avis de Claudia Lucia et de Margotte.


6 commentaires:

catherine b a dit…

tu as tout Zola à lire!

nathalie a dit…

À lire ou à relire, mais ça n'a pas vraiment de rapport à mon sens. Cette pièce est héritière du romantisme.

catherine b a dit…

pour changer de balzac. c'était une plaisanterie.

nathalie a dit…

Vi, vi, mais ce qui n'est pas une blague, c'est que je (re)lis mes auteurs chacun leur tour. Donc Émile doit attendre encore quelques années.

claudialucia a dit…

Comme tu fais bien de mettre en valeur cette citation :
"Du reste, rien d'illicite. Notre probité demeure intacte. La stricte observation des lois est le devoir du bon citoyen."

On dirait que tu as pioché dans l'actualité pour lancer le débat entre ce qui est légal et ce qui est moral !

On dirait du Balzac pour le côté un peu feuilleton, les rebondissements, les retrouvailles du père et de la fille, le suicide manqué de l'amoureux etc..

Une pièce sympathique mais un peu plus que cela car elle contient toutes les idées marquantes de V.H sur la liberté et la justice, la légalité et la morale, sur la défense du peuple et l'importance de l'éducation pour lutter contre la misère et donc la délinquance. Et puis ce magnifique texte sur la Marseillaise !

nathalie a dit…

Oui, le passage sur la Marseillaise est magnifique ! Pas assez connu, clairement. Et en effet, j'aime bien les apportés vachardes de notre voleur au grand coeur.