Jorge González, Chère Patagonie, aidé pour le scénario
par Alejandro Aguado, Hernán González et Horacio Altuna, parution originale
2011 sans doute en Espagne, édité en France par un éditeur qui ne précise pas
le nom du traducteur (Thomas Dassance) ni le nom de la personne qui a fait le
lettrage (Philippe Glogowski) et d’ailleurs on pourrait croire que c’est un
livre français – donc on ne dira pas le nom de cet éditeur trop nul.
Renseignements donnés par le site ActuaBD.
Une plongée dans la Patagonie.
Voilà un étrange album qui
raconte l’histoire de la Patagonie au long cours. Une série de chapitre met en
avant quelques personnages sur une durée d’un siècle : un homme payé pour
tuer les indigènes, un commerçant allemand installé au fond de nulle part, puis
son fils, un immigré allemand, les arrière-petits-enfants d’un cacique indien…
Le récit est linéaire, mais pas continu. Nous sautons les années pour découvrir
un panorama sur la longue durée.
Alors, je commence par le
bémol : pour un lecteur non familier de l’histoire argentine, c’est un peu
ardu. Un récapépète à la fin permet de guider un peu, mais sinon il faut
accepter : 1. De se perdre. 2. De lire deux fois l’album pour prendre ses
marques.
Et sinon ? C’est superbe. Un
fil principal est constitué par la destruction des Indiens : les terres
accaparées, les individus tués ou exposés dans des zoos humains, leur
disparition, la reconquête de leur culture et de leur mémoire par le mouvement
Mapuche (on croise l’entreprise Benetton qui s’est emparée de milliers
d’hectares). J’avais croisé les étonnants indiens Selk’nam et Onas lors d’une exposition de photographies à Arles. Leurs peintures les rendent si
méconnaissables.
Il est aussi question de ces
migrants venus de toute l’Europe et des États-Unis, des réfugiés nazis, de la
dictature argentine et des grèves d’ouvriers réprimées dans le sang. Mais tout
cela est très, très, très poétique.
Les dessins sont pleins de rêves,
flous, fragiles, pleins de vents et de brouillards. Les personnages
apparaissent comme des fantômes dans un paysage tout juste entre aperçu. Un
camaïeu de gris emplit l’album, avec quelques touches de couleurs. Les dialogues
sont rares. La Patagonie apparaît comme une terre mystérieuse, une zone
indéfinie, une terre de conquête, présentée comme « vide » dans
l’histoire argentine, y faisant fi de toute l’histoire non blanche et non
occidentale. C’est envoûtant.
Au fil des générations on boit
toujours autant le maté.
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