La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 30 novembre 2017

J’étais ivre d’inanition, la faim m’avait complètement grisé.

Knut Hamsun, La Faim, traduit du norvégien par Georges Sautreau, parution originale en 1890.

Je ne savais pas à quoi m’attendre avec ce roman, mais je ne m’attendais pas à ça (ah les lecteurs !). Le narrateur est un polygraphe qui vivote dans une ville de Norvège. Il n’a pas un centime et a faim. Est-ce tout ?
Il erre dans les rues, met un gilet au clou, cherche un logement. En proie à la faim, il décrit ses symptômes sans spécialement se plaindre. Il est finalement si faible qu’il ne peut plus rien avaler et que la moindre nourriture le fait vomir.
Ce narrateur n’est pas du sympathique. Le lecteur n’a aucune envie de le plaindre ou de partager ses peines. Sautes d’humeur ou caractère instable ? Il distribue l’argent à poignée, refuse les mains tendues, se conduit très étrangement, avec des colères subites ou des cruautés inexpliquées. Il est difficile de faire la part entre une personnalité excentrique et imprévisible et une humeur rendue folle par la faim (par exemple cette longue déraison à propos de ses souliers qu’il considère pendant une heure). Les dialogues peuvent être à la troisième personne. On ne parvient finalement pas à savoir si de vraies paroles sont échangées entre des personnes ou si tout reste à l’intérieur de la tête du narrateur. Est-ce un monde fantasmatique ou le monde de la folie ? Ce qui est sûr, c’est que nous ne sommes pas dans un drame social.

Cézanne, Nature morte avec des pommes, 1895-98, Moma.

Ses descriptions des affres de la faim, avec la perturbation des sens qu’elle entraîne, sont très dures et réalistes. Pas de rêveries poétiques ici, mais un dur vécu.

Depuis ce jour de mai où avaient commencé mes tribulations, je pouvais constater une faiblesse qui s’accentuait peu à peu ; j’étais devenu en quelque sorte trop las pour me conduire et me diriger où je voulais ; un essaim de petites bêtes malfaisantes avaient pénétré dans mon être intime et l’avaient évidé.


L’avis de Jérôme.

6 commentaires:

Dominique a dit…

c'est un livre que j'avais eu du mal à lire jusqu'au bout tant c'est dur, c'est un de ces livres que l'on n'oublie jamais

nathalie a dit…

Oui c'est un texte qui met très mal à l'aise, car ce qui est décrit est assez violent, mais il est difficile de s'attacher au narrateur. Assez déstabilisant.

Ingannmic, a dit…

Cette lecture m'avait marquée, l'auteur axe entièrement son texte sur les symptômes de cette faim qui en devient presque un personnage à part entière, et le résultat est à la fois troublant et très noir, en effet...

nathalie a dit…

Oui c'est tout à fait juste ! La faim est un personnage.

eeguab a dit…

Un des grands livres de la toute fin du XIXème. Chroniqué chez moi en 2011, il met effectivement mal à l'aise.

nathalie a dit…

Ça me rassure de pas être la seule, j'avais peur d'être totalement à l'ouest sur le coup.