La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



vendredi 8 décembre 2017

Il remplacera pour tous la patrie absente.

Les autres vies de Napoléon Bonaparte, anthologie éditée par ArchéoSF et Publie.net en 2016.

Napoléon est un personnage historique certes, mais au potentiel littéraire évident. Entre le surhomme et l’ambitieux détestable, celui a manié les masses et les armées a inspiré les créateurs. Et beaucoup d’entre eux ont pu regretter que l’épopée se soit arrêtée un peu brutalement à Waterloo. Et certains ont pu imaginer des uchronies. Et si… l’histoire avait tourné légèrement autrement ? J’avais déjà lu des romans où Napoléon gagne à Waterloo, mais j’étais curieuse de lire ce panorama rassemblé par ArchéoSF – l’éditeur spécialiste des grands papas de la SF.
Les deux premières histoires, celles de Louis Geoffroy et de Joseph Méry, ne m’ont pas du tout intéressée, car elles racontent l’irrésistible ascension du grand homme. Franchement, quand tout se passe bien, on n’en fait pas un roman.
Alphonse Allais suggère que la fécondation artificielle aurait pu être utilisée de façon ingénieuse par le grand homme (ça, c’est un intermède !).
La longue nouvelle du capitaine Danrit est sans doute la plus intéressante du recueil, car elle raconte l’aventure d’un groupe de fans prêts à tout mettre en œuvre pour délivrer Napoléon de Sainte-Hélène. Le récit prend l’allure d’un roman de Jules Verne, car il s’agit d’utiliser un des premiers sous-marins ! Roman d’aventure, d’ingénieurs et de soldats, avec un fort suspens, car l’empereur est malade et il faut se dépêcher pour ne pas arriver trop tard. L’auteur cite en plus des textes authentiques (mémoires de Las Casas, chansons de Bérenger, etc.), c’est assez bien fait. En revanche, le climat de sainteté et d’adoration pèse un peu sur le récit, on aurait aimé des grognards un peu plus hauts en couleur et moins exemplaires. Mais ce mélange de technicité, d’aventure et de roman de pirates au service de la réécriture de l’histoire est une très bonne idée.
La dernière nouvelle, de H. A. I. Fisher, traduit par Philippe Éthuin, met en scène Napoléon en Amérique, s’intéressant d’abord au Québec, puis à l’Amérique du Sud. Le ton est un peu ironique, puisque l’empereur essaie de mettre dans sa poche aussi bien les catholiques que les protestants, qu’il promet tout à tout le monde et qu’il apparaît comme un séducteur irrésistible. Toutefois, là encore, il me semble que le ton est un peu trop respectueux.
Anonyme, Dessin de Napoléon "le ventripotent", fait à Sainte-Hélène, 1820, Wikimage.

C’était un panorama intéressant, surtout quand on songe à l’importance des motifs napoléoniens dans la littérature du XIXe siècle. Bizarrement (ou pas), le caractère corse est souvent mis en valeur, alors que les Anglais s’en prennent plein la tronche.

Dès qu’on signale une nef vagabonde :
« Serait-ce lui ? disent les potentats.
Vient-il encor redemander le monde ?
Armons soudain deux millions de soldats ! »

Béranger a bien rendu dans cette strophe la persistante inquiétude qui tenailla les gouvernements de la Sainte-Alliance pendant les dernières années de Napoléon.
Bien qu’ils eussent toutes sortes de bonnes raisons pour être rassurés, après avoir confié sa garde à l’Angleterre, il n’y eut pas d’année où les journaux britanniques de l’époque ne renchérissent sur les projets d’évasion les plus invraisemblables.


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