La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mercredi 18 juillet 2018

C’est tout ce qu’il faut, une goutte de peur, pour tourner l’amour en haine.

James M. Cain, Assurance sur la mort, traduit de l’américain par Simon Baril, parution originale 1937, édité en France chez Gallmeister.

Un bon vieux roman noir (j’en ai fait des cauchemars).
C’est l’histoire d’un homme qui rencontre une femme et… c’est la cata.
Walter, le narrateur est un expert de l’assurance, qui connaît tous les trucs pour arnaquer les compagnies. Quand Phyllis, épouse modèle, se renseigne mine de rien sur les assurances pour les accidents, il pressent qu’il devrait prendre ses jambes à son cou. Au lieu de ça, conquis par cette femme fatale, le voici prêt à l’aider à supprimer le mari pour toucher la prime.

- Walter, je vous en prie, ne me laissez pas faire ça. On ne peut pas. C’est tout simplement… fou.
- Oui, c’est fou.
- On va le faire. Je le sens.
- Moi aussi.
- Je n’ai aucune raison. Il me traite aussi bien qu’un homme peut traiter une femme. Je ne l’aime pas, mais je n’ai jamais rien eu à lui reprocher.
- Mais vous allez le faire.
- Oui, mon Dieu, je vais le faire.

Froideur, calcul, machiavélisme… Une fois pris, le narrateur dévale la pente infernale. Qu’a donc cette Phyllis de si extraordinaire ? On ne le saura pas, il est comme ensorcelé. Nous n’avons accès à la psychologie du narrateur que par intermittence, quand il exprime ses regrets (sa peur d’être pendu) (et non pas ses remords) ou ses sentiments pour une tendre jeune fille innocente. D’autres moments sont plein de froideur. D’autres enfin flirtent avec le fantastique, notamment à la fin. 
C’est un roman très particulier. Il a l’air très simple. Il est question du coucher du soleil sur le Pacifique et d’alibis habilement construit. Entre Phyllis et Walter, il n’est pas question d’amour. Ni de désir ou de passion. Le récit est presque transparent. Et pourtant, tout est très prenant. Les événements paraissent inéluctables, même si le narrateur paraît sympathique et que ses actes nous demeurent incompréhensibles. Que se passe-t-il dans le cerveau d’un bon professionnel qui s’éveille tout un coup ? La part inconnue des humains, celle qui transparaît entre les lignes et qui nous fascine. Le passage à l’acte fait terriblement envie et miroite joliment aux yeux des personnages.

J’en ai donc rêvé la nuit et ça fait peur.
 
Picasso, Le Baiser, 1931, Paris musée Picasso.
J’avais intérêt à me retirer du jeu avant qu’il ne soit trop tard, je le savais. Mais il y avait ce truc en moi qui me poussait toujours plus près de l’abîme. Et là je l’ai senti à nouveau, qu’elle ne disait pas ce qu’elle voulait véritablement. C’était comme le premier après-midi où je l’avais rencontrée, il y avait autre chose en plus de ce qu’elle me racontait. Et je ne pouvais pas laisser passer ça, il fallait que je lui tire les vers du nez.


6 commentaires:

keisha a dit…

Ah oui c'est scotchant ce récit (j'en ai lu 4 d'affilée, en fait)

nathalie a dit…

Ah oui, mais là, j'ai peur pour mon sommeil. Je préfère alterner doucement.

Ingannmic, a dit…

De savoir que tu en as fait des cauchemars me fait surtout envie (est-ce bien normal ?!). Je m'empresse de noter !

nathalie a dit…

Ah c'est un gage de qualité comme un autre après tout !

Lili a dit…

Ahhhh j'adore les bons vieux romands noirs <3
Si celui-ci colle la frousse, ça promet !

nathalie a dit…

C'est l'auteur du Facteur sonne toujours deux fois. Un classique.