Pierre Gazio, Sept stations du Caire, éditions des Busclats, 2018.
L’auteur, Français arabophone, vit au Caire depuis des années et nous raconte la ville, par le prétexte de sept trajets en métro. Ni guide touristique (mais avec des anecdotes historico-géographique) ni journal de voyage ou de souvenirs, mais comme une balade en ville avec un guide complaisant, un ami de voyage.
Un chauffeur de taxi à qui l’on enjoint de tourner à droite, répond généralement : « si Dieu veut ». Supposer que la volonté divine médite son accord ou son refus pour chaque coup de volant est ici une idée naturelle à tout le monde, ou presque.
J’ai beaucoup aimé cette lecture distrayante et tranquille. Je trouve que Gazio arrive particulièrement à raconter le Caire contemporain, ses paradoxes, ses ruptures et ses continuités. Les événements de la place Tahrir ne sont pas loin, non plus que les Pharaons, les colons européens, les divers pouvoirs militaires, les religieux de tous poils. Tout ce petit monde s’entrecroise dans un capharnaüm et un chaos incroyable, dans une ville où le mot « urbanisme » s’est fait la malle, que l’auteur nous présente avec autant d’agacement que de tendresse.
On trouve donc, pêle-mêle, le Coran en fond sonore d’à peu près tous les magasins (y compris ceux de sous-vêtements), les quartiers coptes, une charcuterie dont le nom renvoie à Ramsès II (ce passage est particulièrement savoureux), le trajet improbable parcouru par Saint Georges (oui, celui du dragon), devenu un soldat romain à tête de faucon transperçant un hippopotame, et même une station de métro fantôme.
L’Égypte est un pays peu présent dans nos médias, ou seulement pour montrer des images de foules en colères ou de militaires moustachus pas tibulaires du tout. L’espace de quelques pages, Gazio parvient à nous le rendre familier, presque familial, sans angélisme, sans condescendance ou mépris non plus. Le Caire est un voisin du sud.
À lire absolument avant votre prochain voyage au Caire !
La purée de fèves, de la tahina, des oignons verts, des citrons jaunes, de la roquette, des aubergines confites et une pile de galettes de pain. Une impression réconfortante d’abondance à peu de frais et le sentiment, devant ces mets simples et colorés issus du limon, d’une plongée dans la gastronomie de l’Égypte antique. Les délicats peuvent utiliser la cuillère en plastique gracieusement fournie par l’établissement, mais les vrais amateurs se servent de leurs mains et minuscules bouchées de pain trempées dans les gamelles. Les dîneurs sont donc penchés au-dessus de la table, le dos arrondi, dans la pause typique de l’amateur de foul. C’est un des éléments du rite. Car, mis à part ceux qu’un maigre budget contraint à en faire leur quotidien, manger du foul est un signe d’appartenance à une nation vécue comme sans pareille dans le monde.
Merci aux éditions des Busclats pour l’envoi, et à Lili Galipette et à Stéphanie Hochet qui ont servi d’intermédiaires.
mais il est pour moi celui là!
RépondreSupprimerJ'avoue avoir pensé à toi en effet !
SupprimerRavie que cette lecture t'ait plu ! ☺
RépondreSupprimerMerci beaucoup d'avoir pensé à moi pour ce livre.
SupprimerJe le note car j'ai vécu 8 ans au Caire (j'en suis partie en 2002) et cela me rappelle bien des souvenirs, notamment la déclamation de sourates quand tu vas dans un magasin. Et le métro est le seul endroit propre (enfin c'était le cas il y a 20 ans) du Caire :)
RépondreSupprimerOui Gazio explique à plusieurs reprises que le métro est un endroit spécial ! Je pense en effet que cette lecture vous rappellera des souvenirs.
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