La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 21 mars 2019

Bien sûr, toutes les sociétés pratiquent le récit d’elles-mêmes.

François-Xavier Fauvelle (sous la direction de), L’Afrique ancienne, 2018, aux éditions Belin.

Un peu d’histoire.
Ce livre collectif (une trentaine d’auteurs) part sur les traces de l’histoire de l’Afrique, une histoire ancienne. Le livre s’arrête au XVIIsiècle, nous plongeons donc dans un lointain passé. C’est que, une fois que l’on s’est bien gaussé de ces crétins qui estiment que l’Afrique n’a pas d’histoire, la plupart d’entre nous n’avons pas grand-chose à dire, l’histoire de ce continent faisant rarement parti du bagage intellectuel de l’honnête homme/femme. Donc, voici de quoi être moins vide !

La notion de néolithisation, construite sur le modèle de l’histoire de l’Europe, désigne un processus dont les éléments caractéristiques apparaissent sous la forme d’un « paquet » complet comprenant sédentarité, agriculture, élevage et production de céramique, qui s’est propagé au gré de déplacements de populations ou d’une diffusion culturelle. Au contraire, en Afrique, il n’existe pas de schéma univoque, les processus débouchant sur la production de nourriture étant pluriels, complexes et non exclusifs.
On peut être nomade et éleveurs, sédentaire et chasseur.

Évidemment, je ne vais pas vous résumer les 600 et quelques pages de cette somme, qui nous balade sur l’intégralité du continent africain. Bien sûr aussi, certaines régions sont mieux représentées que d’autres (l’extrême sud du continent me semble un peu oublié) et on y va plutôt à grandes enjambées. Mais tout de même, voici quelques pistes.
Une première grande partie trace un parcours chrono-géographique : de grandes ères géographiques et des royaumes. L’Égypte ancienne, Méroé, la côte maghrébine, l’arrivée de l’Islam, le monde Swahili, les royaumes du Sahel, l’Éthiopie, le golfe de Guinée, le bassin du Congo… Une deuxième partie choisit une approche thématique : les variations climatiques du Sahara et les conséquences sur les populations humaines, l’élevage des bovins, la métallurgie, les chasseurs-cueilleurs… Une troisième et courte partie nous emmène aux côtés de l’historien : comment utiliser la linguistique pour écrire une histoire des populations, les documents écrits, les sources orales, l’histoire de l’art…

Commandé par un roi ibérique chrétien pour être offert au roi de France, l’Atlas catalan, une carte sur vélin dessinée par des cartographes juifs de Majorque (Baléares) en 1375, nous livre une représentation en majesté du roi du Mâli trônant en son royaume et présentant au monde une énorme boule d’or. De toute évidence, les informations réunies sur cette partie de la carte proviennent de sources islamiques, même si elles sont écrites en catalan.
Sabre de la culture Fon, Bénin, XIXe siècle, Musée du quai Branly.

On croise naturellement des civilisations dont on n’avait jamais entendu parler ou des problématiques anciennes, mais ici totalement renouvelées. On apprend que certaines plantes que nous associons à l’Afrique viennent d’Asie du Sud-Est (le bananier, la grande igname, le sorgho…). On croise la langue guèze, le sabéen, le grec et des tas de langues inconnues, des communautés juives, des berbères, des grandes villes, des nomades. Des êtres humains habitant sur les arbres pour échapper à la traite esclavagiste. Des peintures murales, des tombeaux, des églises enterrées et j’en passe. Un chapitre très intéressant sur les villages installés dans la forêt tropicale, qui sont un peu difficiles à étudier. L’hypothèse d’une épidémie mondiale de peste au XIVsiècle venue d’Asie jusqu’aux côtes atlantiques pour dépeupler la moitié du monde. La migration bantoue, qui est documentée par des études génétiques, linguistiques, ethnologiques et anthropologiques. Un royaume catholique noir au Congo. L’ampleur effarante de la traite transatlantique et les différents systèmes esclavagistes qu’a connu le continent.
Je note enfin que manifestement les recherches scientifiques sont loin d’être suffisamment nombreuses. À l’échelle d’un continent aussi étendu, les sites archéologiques sont peu nombreux à avoir été repérés et étudiés, plus rares encore à avoir été étudiés correctement, de façon aussi fouillée que peut l’être n’importe quelle ferme gallo-romaine. Dans les musées et bibliothèques des pays occidentaux, combien d’objets dont on ne sait pas s’ils sont des contrefaçons, d’où ils viennent, de quand ils datent et à quoi ils servent. Ils méritent amplement l’attention des chercheurs. Au boulot !

On est bien embarrassé lorsqu’il s’agit de décrire la religion de ces païens, car ceux-ci n’apparaissent dans la documentation écrite chrétienne que sous un jour négatif. Les vestiges archéologiques qu’ils ont laissés sont des monuments funéraires qui expriment davantage les pratiques que les croyances. Et le croisement entre données archéologiques et témoignages écrits est délicat : les morts inhumés dans les tumulus ou dans des fosses surmontées de stèles sont-ils les mêmes païens que ceux qui émaillent la documentation produite hors d’Éthiopie, par les Coptes d’Égypte ou par les géographes arabes ?

Merci Estelle pour la lecture !

Si le sujet vous intéresse, mais que vous êtes rebuté par l’idée de lire un livre de 1,6 kilo, je vous conseille extrêmement vivement Le Rhinocéros d’or.
Si le sujet vous intéresse toujours, sachez que Fauvelle a été nommé récemment professeur au Collège de France et que ses cours se trouveront donc un jour ou l’autre écoutables gratuitement sur le site internet de l’institution.


2 commentaires:

keisha a dit…

Je suis très intéressée, je me souviens avoir erré, épatée, au rayon africain du british museum... Le rhinocéros d'or est à la bibli!

nathalie a dit…

Te connaissant (si je puis dire), je pense que tu aimeras le Rhinocéros !