La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



lundi 20 mai 2019

Aucun journal ni aucune revue ne consacra une seule ligne au quadruple assassinat.

Pep Coll, Quatre cercueils : deux noirs et deux blancs, traduit du catalan par Edmond Raillard, publication originale 2013, édité en France par Actes Sud.

Un prologue nous peint un petit garçon – le narrateur enfant – aidant sa famille pour les travaux des champs dans une ferme située dans une région de forêts et de montagne, en Catalogne. Tout près de là se trouve une maison où une famille a été assassinée et une autre, où vivent les assassins. À l’âge adulte, le narrateur découvre De sang froid de Truman Capote… et part sur les traces de cette histoire.
Deux adultes et leurs filles assassinées sauvagement en 1943, dans une ferme. On n’est pas loin de la frontière et des bandes armées circulent encore, ainsi que des gens qui s’étaient réfugiés en France pendant la guerre civile et qui reviennent, des gitans, des juifs fuyant la guerre et se réfugiant en Espagne… Toutefois, très vite, ce sont les voisins qui sont accusés et emprisonnés. Et libérés sans procès.

Il avait parlé un moment avec le Dr Costa, le médecin qui avait pratiqué l’autopsie des cadavres, et celui-ci avait dit tout net qu’« il n’y avait pas plus de guérilléros communistes que de fugitifs de la guerre, ni foutre rien qui ait passé la frontière. Les assassins ne voulaient ni voler, ni violer les femmes, simplement les liquider tous. C’est le fait de gens qui les connaissaient, tu peux me croire. »
Une ancienne ferme en Catalogne.
Nous sommes dans un roman adapté d’un fait divers bien réel. L’auteur prend soin de préciser à la fin ce qu’il a inventé ou imaginé. J’avoue pour ma part avoir été surtout intéressée par l’évocation du lieu et de l’époque. Le récit commence en 1935, à une époque où la région est très pauvre. Les terrains appartiennent à un riche homme d’affaires de Barcelone, qui se rend une fois par an sur place. Les paysans louent des terres, mais ne les possèdent pas. Il y a aussi des biens communaux. Vient la guerre, avec les hommes qui s’enrôlent ou qui se cachent dans les grottes pour échapper aux armées, les femmes qui gèrent les fermes, les exécutions sommaires. Puis le franquisme s’installe, corrompu et brutal, mais soucieux de moralité (mais pas trop de justice). De nouveaux notables en profitent pour faire carrière, dans l’armée ou dans la justice. Il est bon de parler castillan et de mépriser le catalan, ce dialecte de gueux. Pendant ce temps, le village continue à se vider et les habitants délaissent de plus en plus la campagne pour s’installer en ville. Finalement, peu de gens se souviennent des assassins ou des assassinés. Le roman fait donc plus que reconstituer des faits, il rappelle l’existence d’une (pas si) lointaine époque.

Il n’y avait pas de lune et même s’il y en avait eu, dans ce tunnel de pins, la clarté n’aurait pas pénétré. Le chemin était un couloir qui se frayait un passage dans une masse d’ombres. Il ne faisait pas du tout froid, au contraire, bien qu’on fût dans les premiers jours de mars ; il y avait eu un redoux qui avait commencé à réveiller les bêtes de la forêt. De temps en temps, on entendait les hululements du grand-duc ou les cris du chat-huant, l’oiseau chevrier qui appelait les chèvres du haut de l’Obaga.

 Bon pour le mois espagnol de Sharon. Petite difficulté : je me suis embrouillée dans les noms catalans, sachant qu’il y a les noms des personnes et des fermes.

4 commentaires:

Sylvie a dit…

Ha ce titre me parle bien. Je vais voir si je peux me le faire venir à ma petite biblio. Merci.

miriam a dit…

intéressant, à noter!

nathalie a dit…

Je te l'envoie, avec des douceurs !

nathalie a dit…

J'ai entendu parler de cet écrivain par une ancienne prof d'espagnol qui venait du même village que lui.