La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



vendredi 10 janvier 2020

Ce petit commerçant finit par avoir la faculté de débiter des phrases où les mots ne présentent aucune idée et qui ont du succès.

Honoré de Balzac, Pierrette1840.

Un court roman qui se tient à Provins. Un frère et une sœur, riches, mais au cœur dur, y oppriment leur cousine Pierrette, une tendre petite Bretonne. Derrière ce récit privé, se cache celui d’une sourde lutte de pouvoir et d’influence dans une ville de province - et oui, encore les misères de la vie de province !
Il y a des qualités dans ce texte, comme les portraits des personnages simples et au bon cœur, ou des formules d’une cruauté ciselée à l’encontre des méchants de l’histoire. Mais je trouve l’ensemble assez mal fichu, avec une exposition qui couvre quasiment la moitié du roman et la description compliquée des relations entre personnages – je crois que l’on a droit à tous les notables de Provins. Je ne suis finalement pas convaincue.
Il y a aussi l’évocation lointaine et belle de la Bretagne, une terre étrangère à la médiocrité de la société nouvelle. Et encore un méchant portrait de vieille fille (hum… mais extrêmement réussi, je dois le reconnaître comme le montrent les extraits choisis).

Sylvie Rogron montra ses longues dents jaunes en souriant au colonel, qui soutint très bien ce phénomène horrible et prit même un air flatteur.

Il mit du linge blanc tous les soirs, il eut des cols de velours sur lesquels se détachait bien sa martiale figure relevée par les deux bouts du col blanc de sa chemise ; il adopta le gilet de piqué blanc et se fit faire une redingote neuve en drap bleu, où brillait sa rosette rouge, le tout sous prétexte de faire honneur à la belle Bathilde. Il ne fuma plus passé deux heures. Ses cheveux grisonnants furent rabattus en ondes sur son crâne à ton d’ocre. Il prit enfin l’extérieur et l’attitude d’un chef de parti, d’un homme qui se disposait à mener les enne de la France, les Bourbons enfin, tambour battant.

Il se rapprocha de Sylvie. "Et ! bien... (il lui baisa la main, il était colonel de cavalerie, il avait donné des preuves de courage), sachez-le, je ne veux pas avoir d’autre femme que vous."
S. Lépine, La rue de Calix à Caen. Temps de pluie, 1874, Musées de la ville de Cognac.



6 commentaires:

keisha a dit…

L'ai-je lu? Je ne me souviens pas du tout... Ou je confonds avec un autre?

Karine a dit…

Bon.. je ne choisirai pas celui-ci pour découvrir Balzac alors. Oui, ne pas taper, je n'ai jamais lu Balzac!

Nathalie a dit…

Pourquoi te taperais-je voyons ? Ce n’est pas grave du tout.

Nathalie a dit…

Toutes ces petites villes de province à intrigues se ressemblent tellement !

Cleanthe a dit…

Désolé que ce récit t'ait déçu. J'avais beaucoup aimé au contraire: le portrait de ces deux cousins (car je crois en effet que c'est plus un portrait qu'un récit) incapables de comprendre la générosité dont leur "protégée" et capable et l'empressement d'une province avide et mesquine qui ne comprend rien à ces valeurs à détruire tout esprit de gratuité et de beauté dans ce monde.

Nathalie a dit…

Pour moi, les portraits et les personnages sont réussis mais pas le récit en lui-même. Du coup, en tant que roman, j’ai trouvé ça un peu long et mal fichu. C’est vrai que les portraits des cousins sont attachants.