Ludmila Oulitskaïa, Ce n’était que la peste, écrit en 1989, traduit du russe par Sophie Benech, édité en 2021 par Gallimard.
À Moscou, à la fin des années 30 (et après les grandes purges), le virus de la peste s’échappe d’un laboratoire à cause d’un hasard et de procédures de sécurité pas très au point. Le virus se répand d’un individu à l’autre, jusqu’à ce que les Services de sécurité se saisissent du problème. Pour eux, aucun problème pour tracer les gens et les isoler sans aucune explication.
- On est venu te chercher ! répond Ida, horrifiée.
- Qui cela ?
La question reste en suspens, elle contient déjà la réponse.
J’ai eu un petit moment d’ennui au début, avec le récit de la lente propagation du virus, parce que c’est assez prévisible, mais mon intérêt a été relancé dès l’arrivée du NKVD. Nous plongeons alors dans le monde soviétique et son efficacité absurde. Le récit se découpe en scénettes, passant d’un personnage à un autre. C’est peut-être à cause de l’époque, mais j’ai pensé au Maître et Marguerite. C’est peut-être aussi parce que nous sommes dans un monde où personne n’est étonné que des hommes armés déboulent dans un immeuble en pleine nuit pour emmener quelqu’un quelque part sans aucune explication. Les gens y sont même prêts et s’attendent à une série d’accusations, exécution ou déportation – ils sont profondément soulagés d’apprendre qu’il s’agit seulement de la peste. D’ailleurs le personnel du NKVD semble lui aussi trouver ces opérations plus simples que d’habitude. Cela n’empêche pas les incompréhensions tragiques.
Lebedev, Le Fantôme rouge du communisme se déplace à travers l'Europe, 1920 Moscou galerie nationale Tretiakov |
- Il faut les brûler au fer rouge. Sinon, la révolution va périr !
Alexeï Ivanovitch écoute attentivement en grattant les restes de pommes de terre dans la poêle avec sa fourchette.
- Tu as raison, bien sûr, je ne dis pas le contraire, fait-il mollement remarquer.
Il s’agit d’un scénario, plus que d’un roman, et je l’imagine bien en pièce de théâtre. Il y a énormément de personnages dans ces 130 pages et il serait alors possible de les identifier plus facilement, d’autant que plusieurs portraits, très brefs, sont tracés de façon très vivante.
Si l’anecdote est authentique, bien sûr, encore une fois cela n’empêche pas de rapprocher la peste médicale de l’autre peste, la plus terrible. Le climat de terreur glaçante est parfaitement rendu.
- Alors ? Vous y comprenez quelque chose ?
Eléna Egorova, une femme raisonnable, secoue la tête et dit avec confiance :
- Je n’essaie même pas.
Merci Babelio et Gallimard pour la lecture.
C'est une romancière. Même si j'ai lu Les Pauvres parents, je regrette de ne pas connaître davantage l’œuvre d’Oulitskaïa.
L'avis de Doudoumatous.
Cette incursion russe se fait à la faveur du mois consacré à la lecture des textes de l'Europe de l'Est, sur la houlette de Patrice et d'Eva.
Je me suis fait la même réflexion que toi au sujet de ce texte qui conviendrait très bien à une pièce de théâtre. Il y a effectivement beaucoup de personnages et on s'y perd un peu.
RépondreSupprimerNB: J'ai ajouté un lien vers ta recension à la fin de mon billet sur ce livre.
On s'y perd sans que ce soit trop gênant. C'est un scénario, mais oui on l'attend en dramatique sur France Culture ou au théâtre dans une prochaine saison !
SupprimerIl faudrait bien que je découvre l'auteure... Je viens de lire un texte écrit durant la même décennie. Et aussi par une femme.
RépondreSupprimerJ'ai vu oui, hier, sur ton blog, il a l'air bien aussi !
SupprimerOulitskaïa est abondamment éditée chez Folio, elle est facile à trouver, mais je ne connais pas plus que ça hélas.
j'adore le tableau que tu as choisi il est très parlant
RépondreSupprimerMerci ! J'ai un peu cherché dans l'ordi avant de mettre la main dessus.
SupprimerJe suis en train de lire un roman qui se situe à la même époque à Léningrad mais écrit par une Finlandaise. Comme tu le dis : quelle époque !
RépondreSupprimerOui, c'est tout un monde.
SupprimerBien envie d'essayer! Moi aussi j'aime bien le tableau
RépondreSupprimerVu il y a quelques années à l'expo du Grand Palais sur l'art et la révolution bolchévique.
SupprimerJ'ai beaucoup aimé De joyeuses funérailles et Sonietchka (dont IL NE FAUT PAS LIRE la 4e de couverture, qui raconte l'histoire du début à la fin !!).
RépondreSupprimerAh ah merci du tuyau ! Je compte bien me pencher un peu plus sérieusement sur l'autrice.
SupprimerJ'ai également Sonietchka sur ma liste. Ca parait incroyable, ces gens qui ne s'étonnent même plus que le NKVD vienne la nuit pour les chercher... Les années 30 en URSS étaient vraiment tragiques.
RépondreSupprimerOui c’est complètement absurde et très bien transcrit dans ce texte.
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