Andrés Reséndez, Un si étrange pays. Le Voyage extraordinaire de Cabeza de Vaca dans l’Amérique indienne, parution originale 2007, traduit de l’américain par Paulin Dardel, édité en France par Anacharsis.
Un livre d’histoire.
Au début du XVIe siècle, les Espagnols explorent les terres qu’ils viennent de découvrir, à partir des îles de Cuba et de ce qui deviendra la République dominicaine/Haïti. Plus à l’ouest, il semble y avoir un empire extrêmement riche, celui du Mexique. Une course s’engage entre les conquérants pour s’en emparer.
Et c’est ainsi que commence, en 1528, l’expédition de Narváez. Partie de Cuba, elle fait cap à l’Ouest (au lieu de suivre prudemment la ligne de la côte), sans connaître, pour son malheur, l’existence du Gulf Stream. Ils l’ignorent, mais les terres où ils accostent, très plates et marécageuses, habitées par de petits villages, sont celles de la Floride. L’expédition se sépare en deux. Ceux qui restent sur les navires pourront encore vivre longtemps. Sur les 300 hommes qui se lancent à terre, seuls 4 survivront. Ils réapparaîtront, 10 ans plus, mêlés aux indigènes, près de la côté Pacifique. Ils ont parcouru des centaines de kilomètres à pied et ce sont les premiers blancs à avoir pris pied sur le rivage du Mississippi et du Texas.
C’est une histoire tout à fait passionnante. L’auteur nous explique bien les enjeux de ces différentes expéditions, dont le but était de créer des colonies de peuplement. Y participent non seulement des soldats et des marins, mais des hommes et des femmes en quête de terres nouvelles, d’opportunités, d’ascensions sociales : notaires, commerçants, artisans, aristocrates au service de la couronne, etc. Le voyage est dangereux et, partis d’Espagne, beaucoup préfèrent s’arrêter à Cuba, qui leur semble suffisamment convenir à leurs ambitions.
Il y a également cette longue catastrophe. L’expédition s’étiole progressivement au fil des désastres : la marche dans les marais, la faim, la maladie, les attaques indiennes, la construction de radeaux (un exploit au vu de leurs faibles moyens), les naufrages, l’anthropophagie pratiquée par les Espagnols (ce qui horrifie les indigènes), le désespoir. Cabeza de Vaca et 3 autres hommes, dont un esclave maure, survivent grâce aux villages indigènes. Ils sont nourris, ils sont mis en esclavage, ils participent à la vie de ces peuples, apprennent leurs langues, mais ils cherchent sans cesse à s’échapper. Au fil des années, en évitant l’hiver, ils marchent et se rapprochent du Mexique. Il y a aussi cette existence étonnante de guérisseurs, dans un monde où tous croient aux entités surnaturelles.
Nos quatre espagnols ont participé à la vie de ceux que l’on nomme déjà les Indiens. Ils savent qu’ils ont des langues et des usages, un savoir-faire complexe permettant la culture de plusieurs céréales et légumineuses, la survie dans un milieu difficile, utilisant pleinement les ressources locales. L’un d’entre eux en aura sa vision changée, mais il sera trop tard. Deux d’entre eux se couleront sans problème dans le rôle du colonisateur. Le quatrième ? Il cherchera à revenir à cette existence de liberté étrange et inconnue, mais en vain.
Homme sauvage, bois 16e siècle, Musée antiquités Rouen |
Je note la description du port de Séville, à l’époque centre d’attraction de toute l’Europe et du Nord de l’Afrique, la nourriture apportée par les noix de pécan et les figues de barbarie et les bisons qui, à ce moment, vivaient jusqu’au Texas.
J’avais entendu parler de cette expédition, au travers de mes diverses lectures, notamment dans L’Exploration du monde, mais je suis très contente d’en savoir enfin plus. C’est l’époque de tous les possibles, où tout ce qui n’a aucune chance de se produire arrive, où les individus se frottent à des réalités qui les dépassent.
La dimension humaine de ces rencontres se perd trop souvent dans le creuset des grands récits de l’empire. Le scénario est prévisible : des conquistadors rendus fous par la soif de l’or affrontent des sauvages ou découvrent à l’improviste de petits paradis terrestres. Le résultat de ces rencontres ne fait jamais aucun doute. L’odyssée des survivants de l’expédition de Floride nous rappelle que les premiers contacts furent en réalité bien plus intéressants. Tous les voyages d’exploration ne se valaient pas, et les Natifs américains n’étaient pas tous identiques.
Pour en savoir plus, Wikipedia.
Fascinant... Rien à la bibli, juste L'autre esclavage .
RépondreSupprimerAh c'est un peu spécifique, j'avoue.
Supprimeril y a pas mal d'année j'ai lu longuement sur le sujet, cela m'avait passionné à l'époque alors pourquoi ne pas replonger avec ton aide
RépondreSupprimerCelui-ci est très lisible, ce n'est pas l'édition d'archives, donc je pense que tu le lirais sans problème.
SupprimerCette histoire est passionnante. L'ouvrage a fait l'objet d'une recension dans Le Monde des livres.
RépondreSupprimerOui en effet.
SupprimerCela est en suite logique avec mes lectures actuelles depuis notre voyage en Guadeloupe. Je le note pour bientôt
RépondreSupprimerUne sorte de continuité géographique assez lointaine !
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