La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



samedi 23 mars 2024

Enseignement et miracles de Jésus

 



Série iconographie : la vie de Jésus.

La semaine dernière, notre héros expérimentait la solitude du désert. Cette semaine, entouré de ses amis, il est en ville et il fait des miracles !

 

La page Wikipedia « Miracles de Jésus » recense 37 miracles. Il ne semble pas y avoir un ordre chronologique et tous n’ont pas la même importance.  Ils ne sont pas tous très connus. Jésus est un guérisseur, mais il enseigne également. Je regroupe ici différents épisodes de guérison ou d'enseignement.

 


Cette peinture de Ludovico Caracci représente Jésus et la Cananéenne (1594 Brera).

Pour situer l'épisode, je cite L'Évangile de Matthieu, lui-même cité par Wikipedia :

« Jésus, étant parti de là, se retira dans le territoire de Tyr et de Sidon. Et voici, une femme cananéenne, qui venait de ces contrées, lui cria : Aie pitié de moi, Seigneur, Fils de David ! Ma fille est cruellement tourmentée par le démon. Il ne lui répondit pas un mot, et ses disciples s'approchèrent, et lui dirent avec insistance : Renvoie-la, car elle crie derrière nous. Il répondit : Je n'ai été envoyé qu'aux brebis perdues de la maison d'Israël. Mais elle vint se prosterner devant lui, disant : Seigneur, secours-moi ! Il répondit : Il n'est pas bien de prendre le pain des enfants, et de le jeter aux petits chiens. Oui, Seigneur, dit-elle, mais les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. Alors Jésus lui dit : Femme, ta foi est grande; qu'il te soit fait comme tu veux. Et, à l'heure même, sa fille fut guérie. »


Le texte met en avant la foi et l'humilité de la femme. On note aussi que Jésus prend soin de ceux qui sont habituellement rejetés - c'est la bienveillance.

La peinture est classique. Je pense que ce sont les couleurs qui m'ont attirée (rose, bleu, jaune, etc.), ainsi que les positions expressives (gestuelle, attitude) qui permettent de lire facilement l'image. Sans connaître le sujet, dont les détails importent peu, on voit bien que Jésus est imploré par une femme, qui s'humilie en s'agenouillant, alors même que les apôtres (que ce sont tous de vieux mecs) se moquent d'elle et la rejettent. Et puis, le visage et la coiffure de la femme sont très réussis.



Qu'il est sombre ! Cliquez sur l'image et agrandissez-la. Orazio Ferrari représente la Guérison de l'aveugle (17e siècle, Gênes Musei di Strada nuova).

L'épisode de la guérison d'un aveugle de naissance est bien connu (illustré notamment dans La Vie de Brian). Jésus se présente comme étant l'instrument de Dieu. Il est dommage que le tableau soit aussi assombri, car l'anatomie de l'aveugle et le surgissement des figures sur le fond sont très travaillés et réussis. Si l'aveugle est guéri, le spectateur voit une seule lumière, celle qui jaillit de la figure de Jésus.




Peinture de Jacques Jordaens représentant Jésus instruisant Nicodème (17e siècle, Musées royaux BA Bruxelles).

Nicodème est un disciple de Jésus, membre du Sanhédrin. Il intervient également au moment de la Descente de croix. Il fait partie des gens à qui Jésus enseigne et parle de l'Esprit saint et du baptême.

Le tableau de Jordaens est d'un très beau coloris. Regardez comme le manteau rouge de Jésus se reflète sur le visage de son interlocuteur (une belle façon de signifier la transmission de savoir et le dialogue). Entre les deux figures principales, deux têtes, une vieille et une jeune (Jean), qui écoutent et s'interrogent. Jésus est naturellement représenté plus grand et plus majestueux que Nicodème, qui est un peu empêtré dans ses riches vêtements. La toile vaut pour la représentation des mains : on argumente, on oppose, on souligne, on s'étonne, on cause.



Toile de Mattia Preti, Mère amenant son fils au Christ (1635 Brera). Elle illustre la parole : "Laissez venir à moi les enfants, car le royaume des cieux est à ceux qui leur ressemblent." Jésus se tourne vers deux enfants intimidés et bien vêtus, poussés en avant par leur mère. Les couleurs sont superbes. Une lumière orangée, chaude, enveloppe les figures et les sculpte.


Avez-vous remarqué ? Ces quatre toiles datent du 17e siècle (ou presque pour l'une). On est en pleine Contre-Réforme. Les églises catholiques passent des commandes à tour de bras et mettent en avant les hauts faits du Christ.



Changement d'époque avec cette toile de Gustave Moreau, Le Bon Samaritain (musée Moreau à Paris).
L'épisode ne correspond pas à un miracle, mais à une parabole (les fameuses paraboles de Jésus) à visée pédagogique. Un homme est attaqué et blessé par des bandits. Un prêtre et un lévite passent sans s'arrêter, pressés d'accomplir leurs obligations au Temple. Un Samaritain (juif lui aussi, mais pas orthodoxe, c'est pas des gens fréquentables) fait montre de compassion, s'arrête et prend soin de lui. "Tu aimeras ton prochain comme toi-même."
La page Wikipedia présente de nombreuses représentations, dont un vitrail de Chartres, une superbe peinture de Van Gogh (allez voir, elle est trop belle), une autre de Daumier.
Moreau est-il réellement intéressé par l'épisode évangélique ? Ce n'est pas sûr. Il semble être le prétexte à un incroyable jeu de couleurs, avec ce ciel rouge sur l'horizon désertique, et ces silhouettes sombres qui se détachent fortement, sans que l'on réussisse à les lire. La peinture représente la solitude de ces petits êtres humains, perdus sur la vaste plaine de la condition humaine.



J'en viens au miracle le plus célèbre : la guérison de Lazare.
L'histoire est connue : Lazare est un ami de Jésus, frère de Marthe et Marie, deux femmes qui ont la foi. Il est mort depuis quatre jours - il sent déjà - mais au son de "Lazare, sors !", voici qu'il se lève et marche.
Comme vous le savez, Lazare s'est ensuite rendu en Provence, qu'il a évangélisée, ainsi que Marseille. Il aurait aussi évangélisé Chypre, où se trouve d'ailleurs son tombeau.
L'épisode est gentiment rappelé dans Les Aventures miraculeuses de Pomponius Flacus de Mendoza.
La page Wikipedia montre la très belle peinture de Rubens (pour un mort, Lazare y est superbe).

Vous avez là une peinture sur bois de Jacquelin de Montluçon (1496 Lyon BA). La scène a été actualisée : alors que le corps de Lazare est censé avoir été déposé dans une grotte, ici le cercueil a été logiquement déposé dans un caveau, sous le sol d'une église gothique. Il a la mauvaise mine d'un homme plus très mort. À gauche, Jésus et ses disciples, et les deux soeurs agenouillées. Au premier plan, un prélat qui se bouche le nez (cette figure est rituelle et attendue : elle a une portée grotesque, mais souligne la véracité de la mort de Lazare). L'ensemble des figures est très calme, à l'exception de l'homme agenouillé près du ressuscité, qui a un geste d'étonnement.

Ce panneau constitue un morceau de retable peint par le Maître de l'Ascension de Berlin (1525, Berlin Gemaldegalerie). Ici on a seulement Lazare, au corps intact, sortant sur la pointe des pieds de son caveau, avec un geste tout à la fois d'étonnement et d'orant, dans une attitude un peu dansante et élégante. Bienvenue à toi, Lazare !

Ce sont des exploits impressionnants pour un nouveau prophète. 
Prochain billet dans deux semaines. Je vous donne rendez-vous au bord du lac.


6 commentaires:

Dominique a dit…

y a pas à dire je suis quand même fan de la peinture italienne

nathalie a dit…

@Dominique : Ah faut dire que la peinture italienne du 17e, c'est quelque chose !

claudialucia a dit…

Moi j'aime moins le baroque et parfois pas du tout mais il y a une belle lumière dans le Mattia Pretti.

nathalie a dit…

@Claudia : oui c'est une belle couleur chaude, très agréable et réconfortante.

keisha a dit…

J'étais absente, je rattrape, et j'aime bien ta série, avec oui, souvent des couleurs et lumières intéressantes.

nathalie a dit…

@Keisha : vous êtes contraints de suivre mes goûts.