La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



samedi 16 mai 2020

La Déposition

Reprenons la suite de l’histoire. Jésus est mort crucifié (dans le billet de la semaine dernière).
Le vendredi soir, Joseph d’Arimathie obtient de Pilate de récupérer le corps de Jésus de façon à lui donner une sépulture.
Le prophète est donc décroché de la croix, enveloppé dans un linceul et déposé dans un tombeau creusé dans le rocher. Une pierre est roulée devant pour fermer l’entrée.
La Descente de croix désigne le moment où Jésus est décroché de la croix tandis que la Déposition désigne le moment où son corps est déposé sur le sol. En peinture, les deux sont souvent confondus – et se confondent aussi avec la scène suivante, à savoir la Lamentation sur le Christ mort ou Déploration (qui rassemble plusieurs personnages) ou même avec la Pietà (où théoriquement il n'y a que la Vierge et son fils).
La version de Rubens est très connue.

La Descente de croix de Rogier van der Weyden (1435, Prado, image Prado) est un classique en matière d'iconographie. Elle allie un certain hiératisme, avec des figures monumentales fermées et silencieuses, chacune dans sa douleur, et un petit quelque chose de maniériste, avec des personnages aux positions étonnantes. Ce que la reproduction ne rend pas, c'est l'impression de relief qui détache la figure du Christ, qui semble flotter devant le fond et les autres figures et qui semble sortir de la boîte de la peinture. Les couleurs sont éclatantes et le panneau saute littéralement aux yeux quand on se retrouve face à lui. Extraordinaire !

Cette petite Déposition a été taillée dans de l'ivoire de phoque à York vers 1200 (V&A). C'est une toute petite chose, mais très habile. Joseph d'Arimathie soutient le corps de Jésus qui retombe lourdement sur lui et il y a beaucoup de douceur dans son attitude.

Lamentation sur le Christ mort de Lionello Spada (1610, musée Fabre). J'ai aimé dans ce tableau sa très grande simplicité. Aucun signe ici de divinité ou de surnaturel. Nous avons très prosaïquement des personnes qui se lamentent parce que l'un des leurs est mort. Pas de couleur éclatante: la Vierge est vêtue de noir et a le nez et les yeux rougis parce qu'elle pleure. Au premier plan, un homme s'essuie les yeux avec le linceuil, dans un geste trivial et plein d'humanité. Simplement le chagrin.

Reconnaissez-vous Luis Morales ? Je vous en ai déjà parlé. Ces deux Pietà sont conservées pour l'une à Caen et pour l'autre à l'Academia San Fernando à Madrid. Variation sur un même thème : un corps de Jésus préservé des traces de l'agonie ? Ou avec des coulures de sang et des mains qui rappellent l'horreur de la mort ? Une Vierge éternellement jeune et impénétrable ? Ou plus marquée par la douleur ? Et il y aussi la question des proportions (qui se pose dans la célèbre Piétà de Michel-Ange) : le corps de Jésus est immense, mais peut être pris dans les bras, et les mains de la Vierge semblent également très grandes pour pouvoir l'étreindre au maximum. Ces panneaux proposent au chrétien de méditer lui aussi sur le corps mort du Christ.


Greco, toujours Greco avec cette magnifique Pietà de 1580 (collection privée). Je crois que les couleurs sont fabuleuses. Le corps de Jésus est blanc, rose, gris, mauve, immaculé en tout cas, un merveilleux géant, à la poitrine nacrée, pleine de lumière.

Les Espagnols décidément très en pointe sur le sujet... une belle Pietà de Juan de Valdés Leal (1660, Metropolitan). Comme souvent dans ces tableaux, la position de Jésus et celle de la Vierge se font écho (c'est le cas chez Van der Weyden), ce qui introduit un certain dynamisme dans la représentation d'un sujet qui pourrait être assez statique. Ici, la couleur rouge figure à la fois le sang et le vêtement de la Vierge et dans ses yeux rougis par les larmes. Les couleurs sont très particulières.

À propos de couleurs particulières, j'ai un faible pour la Pietà du Rosso (1540, musée du Louvre image wikipedia). Ici, tout le monde a des vêtements élégants (ah Marie-Madeleine au premier plan !). La Vierge écarte les bras dans un geste qui traverse toute la toile, entre évanouissement et expression de la douleur. Le corps de Jésus est blafard, mais athlétique et intact. Le cadrage est très resserré et les personnages sont entassés les uns sur les autres, de façon à accroître la tension. Et la couleur rouge s'impose dans toutes ses nuances, y compris les plus inattendues : rose, orange, vermillon, prune, avec des reflets électriques. Un tableau qui n'est pas forcément séduisant, mais d'une grande puissance.

C'est tout pour aujourd'hui.

Je vous ai montré des natures mortes (XVIIe et XIXe siècles) en prenant prétexte du Carême. Puis vous avez eu les RameauxLa Cène et le Lavement des pieds. Puis, la nuit au Jardin des Oliviers et l'arrestation du Christ. Le procès de Jésus (flagellation et couronnement d'épines). L'heure du Ecce homo. La montée au Calvaire ou portement de croix. La Crucifixion. La semaine prochaine, Jésus sera mis au tombeau.

2 commentaires:

keisha a dit…

Chic, on aura encore quelques épisodes!!!
(je voie que tu mis des nouvelles de J Marias - un autre chouchou- que je ne connaissais pas!)

nathalie a dit…

Je savais que tu étais très fan de l'auteur, c'est incroyable que tu n'aies pas encore lu ce recueil !
Et oui, il y a encore un petit paquet d'épisodes...