Blaise Cendrars, Bourlinguer, 1948.
C’est un des volumes des mémoires de Cendrars, dans lequel il est question de quelques ports et surtout des histoires que l’on peut y raconter.
… flânant, baguenaudant sur le port, guettant l’occase, nous demandant sous quel travestissement de hasard l’occasion allait se présenter, nous moquant de nous-mêmes, injuriant tout le monde, rigolant, ayant épuisé notre crédit dans tous les estaminets des quais, ne rencontrant plus personne pour nous payer un verre, les gonzesses se foutant de nous…
Il y a Venise et une histoire de manuscrit et de garçon parti faire fortune auprès des Ottomans et des Anglais, un modèle qui intéresse visiblement Cendrars (il est peu question de Venise). Il y a Naples, la Corogne et le père de Picasso, Bordeaux, Brest et Toulon, Anvers, Gênes où malheureusement il n’est presque pas question de Gênes, mais où il y a un grand portrait de Naples et de son petit peuple des années 1900, et le récit d’une navigation, il y a Rotterdam avec une fantastique bagarre de marins, Hambourg où il est surtout question d’un gars évadé d’Allemagne pendant la guerre, et Paris Port-de-mer, avec le portrait d’un libraire et d’un dandy homme d’affaires.
Dans le grand récit napolitain, soudain deux pages prenant place dans la campagne de Winnipeg font irruption.
Un des grands charmes de voyager ce n’est pas tant de se déplacer dans l’espace que de se déplacer dans le temps, de se trouver, par exemple, au hasard d’un incident de route en panne chez les cannibales ou au détour d’une piste dans le désert en rade en plein Moyen Âge.
Mon impression est mitigée : j’ai aimé plusieurs des histoires et épisodes, ainsi que leur atmosphère, mais la langue, avec ses énumérations interminables, me paraît celle de quelqu’un qui s’écoute trop. Et puis c’est ringard : délicieusement ringard, avec un charme tout pittoresque, car la plupart des quartiers portuaires ont beaucoup changé, mais aussi agaçant, dans un livre où les seules femmes avec une personnalité sont les prostituées et où les formules clichées à propos des uns et des autres font partie du paysage.
Ceci dit, si les autres volumes apparaissent, je les regarderai sans doute avec intérêt et curiosité. C'est quand même tout un monde.
Je ne souffle mot. Je regarde par la fenêtre Venise. Venise. Reflets insolites dans l’eau de la lagune. Micassures et reflets glissants dans les vitrines et sur le parquet en mosaïque de la Bibliothèque Saint-Marc. Le soleil est comme une perle baroque dans la brume plombagine qui se lève derrière les façades des palais du front de l’eau et annonce du mauvais temps au large, crachin, pluies, ventes et tempête. Je ne souffle mot. À la place du vaporetto qui passe devant la Dogana di Mari, appareille une tartane… C’est le 11 novembre 1653…
C’est le début.
En d’autres termes donc, j’écris ma vie sur ma machine à écrire avec beaucoup d’application comme Jean-Sébastien Bach composait son Clavecin bien tempéré, fugues et contrepoint, et je dis que j’en ai encore pour dix ans à orchestrer les trois, quatre grands livres (des romans) qu’il me reste à écrire en dehors de mes souvenirs personnels.
Gand Maison du Port à Gand, XVIe et XXIe siècle
J'ai tout de suite reconnu le voilier à Gand...^_^
RépondreSupprimerj'ai fait deux tentatives de lecture et chaque fois j'ai renoncé cela m'ennuie et alors que le voyage est au centre je n'ai pas du tout l'impression de voyager
RépondreSupprimer@Keisha : j'ai pensé à toi en choisissant l'image.
RépondreSupprimer@Dominique : je te confirme, ce n'est pas du tout une littérature de voyage. C'est Cendrars qui raconte ses souvenirs et ses histoires.
j'aimerais bien essayer. j'ai tant entendu parler de Cendrars, mais cela ne parait pas facile
RépondreSupprimerJe n'ai jamais lu Blaise Cendrars mais ton billet me dit qu'il vaut peut-être mieux commencer par un autre livre
RépondreSupprimer@miriam et @JeLis : j'avais essayé la Prose du Transsibérien à une époque, et j'aimerais bien m'y remettre.
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