Seamus Heaney, « Lancer, ramener » La Lucarne, 1991, traduit de l’irlandais par Patrick Hersant.
En ce temps-là, chaque rive avait son petit bruit :
Sur la rive gauche, un lancer effilé de soie verte
Chuchotait dans les airs, disant silence
Et sève, libre absolument, sifflement
Par-dessus les foins ou sur la rivière.
Sur la rive droite, comme une grive en vol,
Un cliquetis sec sans cesse tranchait
Le silence car un autre
Pêcheur ramenait son fil interminable.
Je suis là-bas encore, rêveur éveillé,
J’ai grandi mais je les vois tous deux
Lever bras et cannes, en plein travail,
Chacun d’eux absorbé, enveloppé par les sons produits.
L’un de ces sons dit : « Tu ne vaux pas un clou,
Mais personne ne vaut rien. Allons ! Sois rigoureux. »
Et l’autre dit : « Vas-y ! Donne du mou, tire un coup sec.
Tu es ce que tu sens au bord de la rivière. »
J’aimais l’air apaisé. Je crois à ce qui s’oppose.
Les années passent et je demeure :
Un homme lance sa ligne, l’autre la ramène,
Et puis vice versa, sans changer de côté.
Retour dans quelques jours...
Bien aimé rêver sur les rives d'un ruisseau alors que je suis assise à mon ordi!
RépondreSupprimer