La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 28 novembre 2024

Puis ils courent en direction du froid, avec les conséquences qu’on imagine.

 

Jean Désy, Le Coureur de froid, 2018.

 

Un tout petit livre. Le narrateur est médecin et il choisit de vivre (à moins qu’il ne se soit réfugié) dans le grand nord du Nunavik. Là, il apprend à chasser, il rencontre Eva qui veut un enfant de lui. Mais le narrateur a une fille de sept ans, Marie, dans le sud (= villes du sud du Canada). Il veut la revoir. Impossible de lui faire croire qu’il l’a abandonnée. Alors il s’élance, d’abord en motoneige et puis à pied, dans le froid.


Marie m’accompagne. Elle se tient raide sur ses skis de fond. Elle se nourrit de silence, en même temps que moi. Pourtant, lorsqu’on a sept ans, tout peut devenir ennuyeux en forêt, devant le solennel des caps rocheux, dans le parfait silence des sapins enneigés, entre deux montagnes laurentiennes, dans le blanc tout blanc de l’âme qui chante. En hiver, mon âme s’apaise. Le blanc donne de la force à l’âme. Marie apprendra.


Le narrateur ne m’a pas été très sympathique, je l’avoue, un peu instable, un peu égoïste, même s’il apparaît de plus en plus en quête d’une tranquillité intérieure qui semble le fuir / qu’il semble fuir. Cela se traduit par une écriture rapide, sautillante, en cascade. C’est un peu instable et déstabilisant, mais ça a sa cohérence.

Et puis le Nunavik. Étendues immenses, forêt d’épinettes, glace, neige, et les animaux qui se cachent et dont la chasse est indispensable à la survie. Il y a la peur de mourir contre un tronc d’arbre, sous la neige, et de laisser seulement un petit tas d’os.

Au milieu de tout cela surgit un renard apprivoisé - serait-on en plein conte ? Peut-être. Il faut peut-être un peu de magie pour survivre dans ces contrées. Il existe une cabane où l’on peut se réfugier, à tous les sens du terme, et à partir d’où on peut espérer atteindre la ville, le sud et le printemps.

Comment être présent à son enfant en étant si loin et en ayant tant de mal à se supporter ?

Nick Sikkuark, Esprit, 1999 (bois de caribou, os de baleine, corne de boeuf musqué, stéatite) MNBAQ
 


Le soleil a basculé. Il a fait sombre, puis très noir, sans lune souriante pour m’égayer l’âme, sans la moindre belette pour me tenir compagnie. Je ne frissonnais plus. J’avais mal dans chacun de mes os, sauf ceux du pied droit.

 

Il me fallait quitter ma carapace pour mieux la réintégrer, pour enfin sentir monter la compassion en moi. C’est le seul mot qui me venait en tête : compassion. (…) Si je ne la découvrais pas, c’en était fait. Jamais Marie ne pourrait espérer ravoir près d’elle un père qui en vaut la peine.

Mes pieds ont été les premiers à se détacher. Ils vivaient encore, mais très loin de moi, gelés. Il tombait une neige qui laissait voir le cristal de centaines de flocons différents. Mon cœur, qui avait battu très vite, s’est reposé. Les arbres respiraient au même rythme que moi. Au loin, la montagne ne formait plus une barrière. J’aurais voulu me dissoudre au sein de cette montagne.

 

J’ai une curiosité de lire d’autres titres de l’auteur (si vous avez des idées à suggérer…).



 

1 commentaire:

  1. Je ne connais pas du tout l'auteur. J'ai lu sa bio sur Babelio, le bonhomme semble en avoir sous le pied !

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