Herzog, le héros de Saul Bellow, a des lettres à n'en plus savoir qu'en faire et parmi ses projets avortés :
Il allait essayer de composer une Iliade des Insectes à l’intention de Junie. Elle ne savait pas encore lire, mais Madeleine permettrait peut-être à Luke Asphalter d’emmener la petite à Jackson Park et de lui lire les chapitres à mesure qu’il les recevrait. Luke s’y connaissait en histoire naturelle. Cela lui ferait du bien aussi. Moses, pâli par le sentiment sincère de sa propre absurdité, ses yeux bruns fixés sur le sol, les épaules voûtées, réfléchissait au poème, les mains tenant le carnet derrière le dos. Il pourrait faire des fourmis des Troyens. Les Grecs seraient des aselles aquatiques*. (...) Les aselles auraient donc de longs cheveux de velours, perlés de gouttes scintillantes d’oxygène. Hélène serait une très belle guêpe. Le vieux Priam une cigale, suçant la sève des racines et plâtrant des tunnels avec son ventre en forme de truelle. Et Achille un cerf-volant aux pointes acérées et à la force terrible, mais condamné à une existence brève malgré son état de demi-dieu. Il criait à sa mère, au bord de l’eau :
Ainsi parlait Achille
Et Thétis l’entendit dans la vase
Assise auprès de son antique père
Dans de resplendissants débris, suffisants pour tous.
Mais il abandonna vite ce projet.
* Les aselles sont de petits crustacés d'eau douce.
Herzog, qui a étudié le grec ancien, a sans doute des réminiscences de la Batrachomyomachia, cette parodie de l'Iliade, bataille des grenouilles et des rats, attribuée à Pigrès d'Halicarnasse (Ve av. J.-C.), vous pouvez trouver le texte intégral en français heureusement.
Saul Bellow, Herzog, traduit de l’américain par Jean Rosenthal (1961), Paris, Gallimard, 1966.
Et c'est aussi un jeu de mot amusant sur les Myrmidons, peuple fourmi, et soldats... d'Achille. En tout cas, un livre qu'on a très envie de lire !
RépondreSupprimerJe n'y avais pas pensé... vu que les fourmis sont du côté des Troyens dans ce vague projet (et que tout le monde parle américain).
RépondreSupprimerIl faut lire Bellow, c'était mon premier mais j'ai beaucoup aimé.