La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



samedi 28 mai 2011

Non je ne fus pas une mère aveugle

Claude Pujade-Renaud, Celles qui savaient, Arles, Actes Sud, 2000.

Cinq très courts textes poétiques, en vers et en prose, qui donnent la parole à cinq femmes. Cassandre, Œnonè, Okyrrhoè, Jocaste, Ismène. Celles qui savaient, savaient la vérité, savaient le destin mais que les hommes n’ont pas écoutées, pas entendues, pas voulu entendre et que les dieux ont rendues muettes. Et auxquelles les poètes n’ont pas prêté l’oreille.


Cassandre

Sur le navire du retour
moi Cassandre
la captive

Retour pour les vainqueurs
et pour moi enfin silencieuse
l’accomplissement nécessaire
de ce que j’avais proféré

Le désastre que j’annonçais
aucun des miens n’y croyait
bâillon de leur surdité
sur mes lèvres de prophétesse

Mais à refouler mes paroles
ils avouaient qu’ils entendaient
des parcelles de vérité
et qu’elle leur insupportait

Cassandre est bien connue, d’autres le sont beaucoup moins mais cela ne pose aucun problème de lecture ou de compréhension. Quelques mots simples suffisent à situer les choses et les femmes racontent comment elles ont été contraintes au silence.

Okyrrhoè
Je savais, pour les autres, jamais pour moi-même, et m’admonestais : Tais-toi donc, une femme a-t-elle le droit de prédire si quelque dieu ne l’autorise ? Garde le silence. Ton demi-frère Tirésias fut consacré devin de Thèbes, mais toi, demeure en ton état natif, fille des bois et des ruisseaux, tais-toi, efforce-toi d’oublier la saveur épicée de la connaissance, contente-toi de récolter les simples que ton père, si sage en sa demi-sauvagerie, t’a appris à cueillir.


Un livre chaudement recommandé par Sylvie et que j'ai beaucoup aimé. À la fois simple et sensible, tout en sensualité, qui laisse aller les voix de celles qui se glissent entre les hommes et les dieux.

Victoire en bronze doré, époque augustéenne, musée de l'Arles antique, photo perso. Trois sibylles du Louvre (la Lybique, la Phrygienne, la Persique) et une sibylle d'Écouen, XVIe siècle, région de la Champagne, pierre, traces d'or et de peinture, RMN.




4 commentaires:

Aymeline a dit…

Ce livre me tenterait bien au regard des extraits que tu as cité :D

nathalie a dit…

Je te le recommande. Tout petit, très sensible, avec des voix poétiques et sensuelles.

sophie57 a dit…

ça me paraît intéressant tout ça! en tout cas intrigant!

nathalie a dit…

Oui, oui, tu peux te jeter dessus !