Romain Gary (sous le nom d’Émile
Ajar), Gros-Câlin, 1974.
Un livre lu avec un grand plaisir
(et que je relirai vraisemblablement) mais dont il est très difficile de parler
et surtout de rendre compte.
Le narrateur est un homme
anonyme, répondant au nom de Cousin. Il a adopté Gros-Câlin, un python, pour
lequel il ressent une grande affection. Il y a pourtant une petite
difficulté : le python mange des proies vivantes et le narrateur ne peut
s’empêcher de se prendre aussi d’affection pour la petite souris blanche. Alors
que faire ? Un des motifs du livre est la résolution de cette impasse.
Mais c’est loin d’être tout.
Les difficultés de la
cohabitation avec un python (avec les problèmes de voisinage que cela comporte)
donnent lieu à des développements cocasses et touchants. Le narrateur est en
particulier inquiet à l’idée de réussir à trouver une jeune femme acceptant de
vivre avec un python. En secret, il est amoureux de sa collègue, Melle Dreyfus,
une Guyanaise.
On a affaire à un homme seul, en
gros manque d’affection, qui ne cesse d’insister sur les millions d’habitants
de Paris. Il est statisticien : "J’ai commencé à m’intéresser aux nombres pour me sentir moins seul." Ses essais pour entrer en contact avec ses collègues, ses voisins,
les autres occupants du métro sont tous infructueux et pathétiques. C’est
l’occasion de réflexion sur la solitude de la condition humaine depuis le
moment même de la conception.
Mais mon compte rendu a un ton
beaucoup trop sérieux ; tout l’intérêt du roman est dans sa langue !
Jeux de mots, lapsus et stéréotypes reformulent l’ensemble de façon inédite. Le
narrateur est faussement naïf, vivant comme en clandestinité sa solitude. C’est
une façon pour Gary de se moquer des certitudes de la France des 30 glorieuses
et de camper un univers individualiste.
Je me suis pris moi-même dans mes
bras et j’ai serré. J’ai resserré mes bras autour de moi-même et j’ai serré
très fort, pour voir l’effet affectueux que ça fait. Je me suis serré dans mes
bras avec toute la force dont je suis capable, en fermant les yeux. C’est très
encourageant, un avant-goût, mais ça ne vaut pas Gros-Câlin. Lorsqu’on a besoin
d’étreinte pour être comblé dans ses lacunes, autour des épaules surtout, et
dans le creux des reins, et que vous prenez trop conscience des deux bras qui
vous manquent, un python de deux mètres vingt fait merveille.
C’est drôle et on sourit souvent.
La quête d’affection de Cousin est touchante et on ne sait plus qui s’exprime,
du python ou de son maître. Ils se ressemblent dans leur façon de faire des nœuds
et d’être incompris par leurs contemporains.
Deuxième participation (après Chien blanc) au challenge lancé par Delphine. L'avis de Passion de lecteur et de Miss Bouquinaix (qui explique bien le trouble du lecteur).
Je retrouve tout l'humour de Gary dans ton extrait, il me fait envie ! Je vais attendre d'être sortie de ma crise littérature anglaise pour m'y remettre !!^^ J'en ai encore 3 dans la PAL;.. Bises !
RépondreSupprimerJe reprendrai mon périple Brontë un peu plus tard - je veux me faire du Stevenson avant.
RépondreSupprimerça me fait penser qu'il faudrait que je me remette à lire du Romain Gary je le note ;)
RépondreSupprimerAh oui, il faut toujours lire du Gary.
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