Victor Hugo, Les Travailleurs de la mer, 1866.
Voici le roman qu’Hugo a dédié à
l’île de Guernesey où il a vécu quelques années, roman à la gloire des récifs
et de la puissance des éléments.
Dans un environnement marqué par
la superstition et l’ignorance, Hugo distingue un garçon simple et génial à la
fois, Gilliatt, seul et incompris. Ah, le beau portrait ! Il distingue
aussi Lethierry, ancien marin et créateur de la ligne de bateau à vapeur entre
l’île et Saint-Malo. Car, oui, nous sommes aux premières années de la vapeur, à
une époque où son triomphe est pour le moins balbutiant. Quelques personnages
secondaires, des méchants très réussis, une jeune fille, un prêtre et nous
sommes partis.
Gilliatt était une espèce de Job de l’océan.
Mais un Job luttant, un Job combattant et faisant front aux fléaux, un Job conquérant, et, si de tels mots n’étaient pas trop grands pour un pauvre matelot pêcheur de crabes et de langoustes, un Job Prométhée.
Le roman est un hymne à la mer, à
l’océan, aux courants marins, aux vents, aux récifs, à l’ingéniosité et à
l’obstination humaine. Hugo déploie avec évidemment beaucoup de plaisir tout un
vocabulaire rare, spécifique et ésotérique, se confrontant avec l’infini. J’ai
d’ailleurs eu l’impression que le pauvre Gilliatt n’avait pas tant à lutter
contre la tempête et la pieuvre géante que contre les déversements de la langue
d’Hugo qui tentent réellement de le noyer.
La bête se superpose à vous par mille bouches infâmes ; l’hydre s’incorpore à l’homme ; l’homme s’amalgame à l’hydre. Vous ne faites qu’un. Ce rêve est sur vous. Le tigre ne peut que vous dévorer ; le poulpe, horreur ! vous aspire. Il vous tire à lui et en lui, et, lié, englué, impuissant, vous vous sentez lentement vidé dans cet épouvantable sac, qui est un monstre.
Certains des développements m’ont
un peu agacée, car ils interrompent systématiquement le fil narratif. Il
m’avait semblé que Quatre-vingt-treize
était mieux lié. Ici, les évocations (sur les étoiles, les vents, les pieuvres,
etc.) remplacent un peu trop le récit qui semble presque secondaire. Enfin, plus
qu’un roman, c’est un poème, plus à la gloire de l’élément maritime qu’à celle
de Guernesey, dont Hugo fait une peinture assez condescendante. En revanche, il
est évidemment à l’aise pour évoquer un océan mystérieux et fécond en choses
inavouables, trésor du romancier. La pieuvre est l’emblème du roman et de l’élément
maritime, c’est le descendant des monstres merveilleux du passé vivant en plein
XIXe siècle.
La prière, énorme force propre à
l’âme et de même espèce que le mystère. La prière s’adresse à la magnanimité
des ténèbres ; la prière regarde le mystère aves les yeux mêmes de
l’ombre, et, devant la fixité puissante de ce regard suppliant, on sent un
désarmement possible de l’Inconnu.
Relecture à l’initiative de
Claudia Lucia. Destination PAL.
C'est le prochain Victor Hugo que je prévois de lire !! :)
RépondreSupprimerGrâce à Claudia Lucia, je lis-relis un ou deux romans par an !
SupprimerJ'aime ce que tu dis sur ce livre. C'est vrai, tu as raison, le fil narratif est souvent interrompu et cela est agaçant. Emportée par mon enthousiasme, je n'en ai pas parlé! Et c'est pourquoi je préfère L'homme qui rit ...
RépondreSupprimerJ'aime aussi beaucoup ton humour au sujet de la langue de VH qui tente de noyer le pauvre Gilliatt! Hugo, que veux tu? c'est le TROP mais le trop porté à un tel degré, que si l'on survit, on ne peut être qu'admiratif! Ta comparaison avec Prométhée est très juste et n'est pas disproportionnée. Gilliatt est bien le symbole de l'homme qui lutte et qui refuse d'être vaincu. Un grand personnage!
La citation avec Prométhée est de Hugo bien sûr, pas de moi !
SupprimerMais c'est vrai, il fait un très bon héros, obstiné, ingénieux et simple à la fois, il accumule les calamités sur sa tête, le héros réussit tout et hop, une tempête, et puis, tous les vents du monde entier, et la pieuvre... et les substantifs et adjectifs du Littré sont convoqués ! Il lui en veut au pauvre Gilliatt !
Moi aussi, j'ai trouvé certains développement agaçants ! J'avais tout de même aimé ce roman ( je suis hugolâtre !)
RépondreSupprimerCe n'est pas tant que les développements sont agaçants, c'est qu'ils viennent comme un cheveu sur la soupe, en plein récit, clan, je te mets ça et l'action s'arrête. Très énervant.
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