Jacques Cartier, Voyages au Canada, édité chez Lux,
textes écrits entre 1534 et 1545. Introduction de Marie Hélène Fraïssé.
Une lecture historique et peu distrayante,
mais très intéressante.
Au mois de juin, nous avons
visité près de Saint-Malo le manoir où s’est installé Jacques Cartier après ses
voyages au Canada et où il est mort. La visite est extrêmement bien faite (je
vous la conseille vraiment) et j’ai acheté ce petit livre. Cartier, ou plus
exactement le scribe du voyage, raconte les trois voyages en lignes brèves. Ce
texte n’a rien de pittoresque et séduisant, il s’agit de persuader le roi de
France, François Ier, de l’intérêt de ces nouveaux territoires (alors qu’il a
d’autres chats à fouetter). Il faut insister sur les forêts magnifiques, la
terre riche où tout pousse, la profusion de poissons et d’oiseaux et sur la
facilité (supposée) à convertir les sauvages.
Parroillement y a force belles prairies et bonnes herbes et estancq où il luy a force saumons.
=
De même, il y a beaucoup de belles prairies à l'herbe grasse et des étangs où il y a beaucoup de saumons.
Cette lecture permet aussi de
s’interroger sur la notion de découvreur et d’explorateur. Les territoires en
question sont bien évidemment habités par ceux qui sont appelés les « sauvages ».
De nombreux pêcheurs européens s’aventurent autour de Terre-Neuve depuis
longtemps afin de pêcher la morue et plusieurs d’entre eux ont déjà posé pied
sur cette terre (ne parlons pas des Vikings). D’ailleurs, les sauvages en
question ont tout à fait l’habitude d’échanger des peaux contre des outils et
sont loin de s’enfuir à l’arrivée de Cartier. La nouveauté de Cartier est le
désir d’explorer en profondeur cette terre et de s’y installer. Les rapports
avec les autochtones sont d’ailleurs ambigus : Cartier a besoin d’eux pour
les vivres et leur connaissance du terrain, mais les utilise et les trompe. Eux
ne sont pas passifs ou naïfs et comprennent qu’il y a un rapport de force dont
peut-être ils pourront tirer profit. Mais les faits ne sont pas en faveur de
Cartier. Ce qui m’a frappé est aussi que les Européens savent désormais (après
les voyages de Colomb) que sur ces terres nouvelles se trouvent des individus
qu’ils estiment sauvages mais qu’ils savent être humains. Ils savent à quoi
s’attendre.
Gudin, Jacques Cartier découvre et remonte le fleuve Saint-Laurent, XIXe siècle, Versaille, image RMN. |
Ce qui m’a plu ? Les
descriptions de cette nature inconnue où il est évident que, quand on ne sait
pas ce que l’on a sous les yeux, on est incapable d’en parler. Et la première
apparition du « Mont-Royal ».
Le gros hic est bien évidemment
la langue du XVIe siècle, pas lisible, d’autant qu’il s’agit d’un
texte technique, avec en permanence des indications de distance et de
navigation.
Que donneront ces voyages ?
Sur le plan politique, pas grand-chose. Mais les pêcheurs et les marchands de
Normandie et de Bretagne vont continuer l’exploration et s’installer
progressivement. Surtout, les Québécois du XIXe siècle seront les
premiers à s’intéresser à Cartier – c’est une fondation canadienne qui a
restauré le manoir du navigateur.
Il y en a cent fois plus à
l’environ d’icelle et en l’oir que dedans l’isle dont partie d’iceulx
ouaiseaulx sont grans comme ouays noirs et blancs et ont le bec comme ung
corbin (corbeau) et sont tousjours en la mer, sans jamais povair voller en
l’air pour ce qu’ilz ont petites æsles comme la moitié d’une main : de
quoy ilz vollent aussi fort dedans la mer comme les uatres ouaiseaulx font en
l’air.
=
Il y en a cent fois plus autour d'elle et dans l'air qu'à l'intérieur de l'île, dont notamment des oiseaux grands comme des oies, noirs et blancs, avec le bec comme celui des corbeaux, qui sont toujours dans la mer, sans jamais pouvoir voler dans l'air car ils ont des ailes petites, de la taille de la moitié de la main. À cause de cela, ils volent aussi bien dans la mer que les autres oiseaux volent dans l'air. → des pingouins !
pas certaine d'avoir le courage de lire ce livre mais il y a en bibli une histoire de son voyage que je pense plus accessible et tu me donnes envie de le mettre dans mon programme de lectures
RépondreSupprimerLire un ouvrage à propos de Cartier ou de ses voyages doit être plus facile et tout aussi intéressant. Mais ma lecture complétait bien la visite du manoir !
SupprimerLes pingouins dans les airs ? J'imagine... belle frayeur !
RépondreSupprimerJe crois que je me contenterai de ton billet (bien intéressant ceci-dit)
Ce doit être étonnant de découvrir ces petits oiseaux qui ne peuvent pas voler mais qui nagent comme des poissons !
SupprimerEcrit en ancien français ?
RépondreSupprimerL'ancien français, c'est encore plus vieux (Chrétien de Troyes par exemples). Juste du français du XVIe siècle, avec plein d'indications très techniques qui n'aident pas.
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